Les résultats de l’étude ACCORD avaient montré que la mortalité augmente chez les diabétiques à haut risque cardio-vasculaire lorsqu’ils étaient traités intensivement. Ses résultats à 5 ans ont été publiés récemment (1). Le premier enseignement de cet essai clinique est de souligner que le risque de décès cardio-vasculaire est élevé chez les diabétiques, mais aussi de préciser que le risque attribuable de décès non cardio-vasculaire atteint 40 %. Cela souligne l’intérêt d’une politique de prévention multidisciplinaire, ce que soulignait déjà l’étude STENO-2 (2). Les objectifs thérapeutiques de cette prévention sont précis pour ce qui est de la pression artérielle systolique, de 130 à 140 mmHg, ainsi que pour le taux de LDL cholestérol, qui doit être déterminé en fonction du risque cardio-vasculaire absolu du patient. Mais l’objectif à atteindre en termes d’hémoglobine glyquée est moins clairement défini.
Pas d’argument en faveur d’un mauvais contrôle glycémique !
Les données de l’étude UKPDS avaient montré que chez les diabétiques de type 2, le contrôle strict de la glycémie est associé à une réduction significative du risque de complications microvasculaires (3). Le lien avec les accidents cardio-vasculaires, direct, est quant à lui moins clair. La question de l’effet bénéfique éventuel du contrôle strict de l’hémoglobine glyquée sur les complications du diabète était en effet non résolue depuis 40 ans…
Il est admis que le taux d’HbA1c à partir duquel le risque de complications augmente est aux environs de 6 %. Les recommandations émises par la Haute Autorité de santé préconisent de normaliser l’HbA1c aux alentours de 6,5 %, la valeur normale chez le sujet sain pouvait atteindre jusqu’à 5,5 ou 6 %. Ces recommandations sont basées sur les résultats de l’étude UKPDS et ne tiennent pas compte des résultats des essais cliniques récents ACCORD, ADVANCE et VADT.
Une métaanalyse récente a montré que le contrôle strict de la glycémie est associé à une réduction du risque coronaire de 15 %, sans bénéfice de la stratégie intensive sur le risque d’accident vasculaire cérébral, la mortalité cardio-vasculaire et la mortalité globale (4).
Néanmoins, les données de l’étude DCCT EDIC relative au diabète de type 1 et celles du suivi à 12 ans des patients de l’étude UKPDS pour le diabète de type 2 ont participé à l’émergence du concept de « mémoire glycémique », un bénéfice retardé de la prise en charge glycémie intensive. Ce concept a plaidé en faveur d’une intervention thérapeutique précoce et intensive dans l’évolution de la maladie diabétique, alors qu’il n’y a pas encore de complications.
L’hypoglycémie, marqueur du risque de décès.
Dans l’étude ACCORD, la mortalité globale dans le groupe assigné au traitement intensif était apparue supérieure de 20 % à celle du groupe des patients affectés au traitement conventionnel. L’analyse des résultats a posteriori a permis de mettre en évidence une relation significative entre la survenue des hypoglycémies sévères et la mortalité, sans en préciser la cause.
Les patients qui avaient été assignés au traitement intensif ont été invités à poursuivre l’étude ACCORD en ayant pour cible thérapeutique une hémoglobine glyquée « conventionnelle », entre 7 et 7,9 %. La tendance initialement constatée s’est poursuivie, avec une augmentation de la mortalité générale après traitement initial intensif (1).
Une analyse récente a montré que le risque de décès était en réalité associé à un taux moyen d’HbA1c élevé (5). L’hypoglycémie serait ainsi un marqueur du risque de décès, signifiant concrètement que le taux d’HbA1c de ces patients reste élevé en dépit d’une intensification thérapeutique « intempestive ». La conclusion semble s’imposer : le traitement antidiabétique doit être précoce, et être très précautionneux lorsque les complications de la maladie sont constituées, la préférence devant être probablement accordée à une cible thérapeutique « conventionnelle ».
D’après la communication du Pr Bernard Charbonnel (Nantes), lors de la séance plénière 5 « Faut-il revoir nos objectifs thérapeutiques en 2011 ? »
(1) The ACCORD Study Group.Long-term effects of intensive glucose lowering on cardiovascular outcomes. N Engl J Med 2011;364:818-28.
(2) Gaede P, et coll. Multifactorial intervention and cardiovascular disease in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2003;348:383-93.
(3) Stratton IM, et coll. Association of glycaemia with macrovascular and microvascular complications of type 2 diabetes (UKPDS 35): prospective observational study. BMJ 2000;321:405-12.
(4) Turnbull FM, et coll. Intensive glucose control and macrovascular outcomes in type 2 diabetes. Diabetologia 2009;52(11):2288-98.
(5) Riddle MC, et coll. Epidemiologic relationship between A1c and all-cause mortality during a median 3.4-year follow-up of glycemic treatment in the ACCORD trial. Diabetes 2010;33:983-90.
(6) Yudkin JS, et coll. Intensified glucose lowering in type 2 diabetes: time for a reappraisal. Diabetologia 2010;53(10):2079-85.
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