Du point de vue sémiologique, on distingue classiquement les vomissements des régurgitations. Les premiers sont dus à un phénomène actif impliquant des mécanismes moteurs gastro-duodénaux complexes coordonnés par le centre du vomissement (tronc cérébral). Quant aux régurgitations, il s’agit d’un phénomène passif, souvent lié à la position (signe du lacet, par exemple), témoignant d’une stase gastrique, d’un reflux gastro-œsophagien, voire d’une pathologie œsophagienne comme l’achalasie. Les régurgitations du syndrome de rumination constituent un cas particulier : il s’agit d’un trouble fonctionnel digestif, appartenant à la famille des désordres de l’interaction cerveau intestin, dont la définition a été précisée par les critères de Rome IV en 2016.
Des contractions abdominales inconscientes
Les régurgitations ont une présentation clinique assez typique : il s’agit d’aliments ingérés très récemment qui peuvent être soit recrachés, soit remastiqués, soit re-déglutis. Elles surviennent donc souvent dans la période postprandiale précoce. Sans efforts, elles ne sont précédées ni de nausées, ni de « haut-le-cœur », et ne provoquent souvent aucun retentissement sur l’état général.
Sur le plan physiopathologique, il s’agit de régurgitations provoquées par des contractions abdominales volontaires - mais inconscientes - qui font remonter le contenu gastrique vers l’œsophage et la cavité buccale. Les patients qui régurgitent sont souvent adressés pour reflux gastro-œsophagien réfractaire. Penser à ce diagnostic de ruminations est essentiel afin de leur éviter une chirurgie inutile. À noter, ils peuvent présenter un reflux pathologique démontré en pHmétrie, puisqu’ils régurgitent du contenu gastrique, donc potentiellement acide.
En cas de doute, une manométrie œsophagienne couplée à une impédancemétrie prolongée durant 30 à 60 minutes en période postprandiale peut établir le diagnostic. Il est néanmoins relativement aisé de repérer les contractions abdominales qui précèdent les épisodes de régurgitations.
Enfin, la prise en charge du syndrome de rumination est essentiellement comportementale et donne en général de très bons résultats. Il convient d’expliquer le phénomène au patient et de lui apprendre la technique de respiration abdominale, afin d’éviter les contractions intempestives de l’abdomen.
Des troubles anxiodépressifs associés
On sait peu de choses sur la prévalence de cette pathologie, par ailleurs très peu connue des médecins en général, et des gastroentérologues en particulier. Le Pr Magnus Simren (Suède) a coordonné une grande enquête internationale en ligne au sein d’une population représentative de plus de 54 000 personnes dans 26 pays. Les sujets remplissaient un questionnaire validé permettant le diagnostic de rumination selon les critères de Rome IV, ainsi que plusieurs autres (qualité de vie, anxiété dépression, somatisation). Au total, la prévalence du syndrome de rumination était de 3,1 % de la population générale, avec un âge moyen de 44,5 ans et une légère prédominance féminine (54,5 %). Les facteurs associés au syndrome de rumination étaient la dépression, l’anxiété, le sexe féminin, et un IMC élevé. Les scores de somatisation étaient plus élevés chez ces patients, lesquels affichaient également un risque accru de souffrir d’autres pathologies fonctionnelles digestives. Enfin, les scores de qualité de vie étaient plus faibles chez les patients avec ruminations.
Le syndrome de rumination n’est donc pas exceptionnel en population générale, bien que largement sous-diagnostiqué, particulièrement en cas de symptômes anxiodépressifs et chez des patients se plaignant de troubles fonctionnels digestifs (dyspepsie, syndrome de l’intestin irritable).
(1) Josefsson A et al. UEGW 2021, Abstr OP128
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