Chaque année, plusieurs milliers de femmes en âge de procréer sont concernées par un cancer gynécologique (ovaire, col utérin, endomètre). La préservation de leur fertilité est, dès le diagnostic, l’une de leurs principales préoccupations. Pour répondre à leurs interrogations, trois sociétés savantes se sont associées : la Société européenne d’oncologie gynécologique (Esgo), la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (Eshre) et la Société européenne d’endoscopie gynécologique (Esge).
Les patientes s’interrogent beaucoup sur la préservation de leur fertilité
« Initialement, les trois sociétés savantes impliquées avaient souhaité travailler ensemble sur le carcinome de l’endomètre, certes peu fréquent avant la ménopause mais dont les indications et modalités des traitements conservateurs sont complexes », rapporte le Pr Philippe Morice, qui a coprésidé le groupe de travail multidisciplinaire international des dernières recommandations sur les cancers du col et de l’ovaire. Épidémie de Covid-19 oblige, les réunions de travail se sont déroulées quasi exclusivement en virtuel et ont abouti, en 2023, à la publication des premières recommandations conjointes des trois sociétés (1). Une grande avancée, qui a permis une clarification de la prise en charge de ces situations particulières.
Un consensus qui faisait défaut
Les mêmes sociétés ont ensuite décidé de poursuivre cette collaboration fructueuse en se penchant sur les deux autres types de cancers gynécologiques les plus fréquemment observés chez les femmes en âge de procréer : les tumeurs ovariennes (dont les tumeurs borderline, qui touchent dans 30 à 40 % des cas des femmes jeunes) et les cancers invasifs du col de l’utérus (les lésions pré-invasives, plus simples à traiter, n’ayant pas été incluses). Avec, là aussi, une double démarche : faire l’analyse de la littérature pour répondre aux questions classiques (traitement conservateur, comme pour les cancers de l’endomètre) tout en y intégrant des questions pragmatiques de la pratique quotidienne n’ayant jamais fait l’objet de démarche de consensus, sur le plan international ou national : délais de mise en route d’une grossesse après le traitement, possibilités d’optimisation de la fertilité ou de prise en charge de l’infertilité éventuelle, délai avant une éventuelle procréation médicalement assistée si nécessaire, nécessité ou pas de faire une chirurgie de totalisation après les grossesses obtenues ou encore modalités de surveillance à long terme.
L’objectif de ces discussions entre experts était de ne laisser, dans de nombreuses situations rencontrées dans la pratique, aucune des problématiques spécifiques du traitement de ces patientes sans réponse, et d’y répondre dans leur globalité. « Nous voulions à la fois aider les praticiens et les femmes », rappelle le Pr Morice, qui se félicite du caractère très constructif et innovant de ces dernières recommandations (2).
La méthodologie, comme c’est l’usage pour ce type de projet, a été stricte pour optimiser la robustesse des recommandations et a été assistée par le méthodologiste professionnel attitré de l’Esgo. Après avoir défini les questions pertinentes (oncologie, optimisation de la fertilité, aide médicale à la procréation, suivi avec éventuelle chirurgie de complément), les réponses issues de l’analyse de la littérature et des discussions des experts ont été soumises à un panel de quelque 150 relecteurs externes autour du globe, qui ont approuvé ou légèrement amendé ces propositions. Finalement, ce sont près de 180 experts qui ont été impliqués dans ce travail.
Une montée en compétences
« Grâce à ces recommandations, les premières à intégrer une vision holistique du parcours des patientes sous ces traitements de préservation de la fertilité, et sur la base d’une expertise partagée, nous pouvons donner des réponses concrètes et étayées pour homogénéiser la prise en charge. Mais aussi pour optimiser les chances de succès de ces traitements, tout en minimisant le risque de récidive de la maladie », souligne le Pr Morice.
Les experts rappellent que ces femmes doivent idéalement être prises en charge par des équipes expérimentées, avec une étroite collaboration, dans ces structures, entre oncologues, gynécologues et spécialistes de la médecine de la reproduction.
« En France, nous sommes aidés en cela par les réseaux des tumeurs rares de l’Inca, comme le réseau très actif et utile TMRG, sur la prise charge des tumeurs rares gynécologiques », précise l’expert. L’objectif est aussi probablement de développer, dans certaines structures ayant un nombre de cas suffisant, des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) dédiées à cette stratégie de préservation de la fertilité dans les cancers gynécologiques. Par exemple, depuis deux ans, à Gustave-Roussy, des RCP d’oncofertilitéont été mises en place par le Pr Gouy, le Pr Grynberg de l’hôpital Antoine-Béclère (Clamart) et la participation de spécialistes de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, adossées à la Faculté de Médecine de l’Université Paris Saclay, pour discuter des dossiers les plus complexes et mener des recherches communes.
(1) Rodolakis A et al. Hum Reprod Open. 2023; 2023(1): hoac057
(2) Morice P et al. ESGO/ESHRE/ESGE Guidelines for the fertility-sparing treatment & follow-up in cervical cancers, ovarian cancers and borderline ovarian tumours (sous presse)
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