Encéphalopathies, AVC, syndrome de Guillain-Barré...

Des atteintes neurologiques multiples

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Publié le 23/10/2020
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Depuis le début de la crise du Covid-19, plusieurs types d’atteintes neurologiques liées au virus SARS-CoV-2 ont été décrits. Le Dr Thomas de Broucker, chef du service de neurologie au CH Delafontaine (Saint-Denis), dresse un panorama des lésions constatées au sein d’une cohorte française de 222 malades.
L'AVC touche 28 % des patients

L'AVC touche 28 % des patients
Crédit photo : Phanie

Le Collège national des neurologues des hôpitaux généraux associé à la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a pris l'initiative de colliger les atteintes neurologiques constatées chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Ce registre a rassemblé 222 patients neurocovid hospitalisés en France durant la première vague épidémique.

« Cette cohorte est le résultat d’un observatoire provenant de 46 centres, quasiment tous hospitaliers, en neurologie et en maladies infectieuses. C’est pourquoi on ne dispose actuellement que de chiffres chez les patients hospitalisés pour Covid », souligne le Dr Thomas de Broucker chef du service de neurologie au centre hospitalier Delafontaine à Saint Denis.

Dans cette catégorie, les atteintes neurologiques touchent entre 3,5 % et 9,6 % des patients, d’autant plus fréquemment que l’état des malades est préoccupant avec besoin en oxygène voire assistance respiratoire.

Ces lésions se partagent en quatre grands groupes :

• Les encéphalopathies. C’est la manifestation neurologique la plus fréquente. Dans la cohorte française, la part des encéphalopathies est de 47 %. Elles se caractérisent par des désordres fonctionnels du système nerveux central. Les causes sont variées : métaboliques ou toxiques, non spécifiques, mais aussi et plus fréquemment en rapport direct avec le Covid-19, sans doute du fait du sepsis, de phénomènes associés de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), de l’inflammation majeure et de problèmes vasculaires associés. 

L’accident vasculaire cérébral (AVC). C'est la deuxième complication car, il touche 28 % des patients. Il s’agit d’infarctus cérébraux pour 90 %, et d’hémorragies pour les 10 % restants. Environ 80 % de ces AVC n’ont pas de cause retrouvée hors Covid. Il s’agit d’une pathologie thrombotique ou thromboembolique sur des parois artérielles sans doute lésées par le virus SARS-CoV 2. Un thrombus dû à la CIVD associée se greffe sur les grosses artères lésées et émet ensuite des embols dans le cerveau.

Les encéphalites. C'est la troisième complication. Il s’agit de patients présentant des atteintes du système nerveux central (SNC) avec des signes de localisation et/ou  une méningite au LCR et/ou anomalies à l'IRM. Cet ensemble hétérogène représente 10 % des patients. Tous les sujets ont bénéficié d’une ponction lombaire qui n’a permis de retrouver le SARS-CoV-2 qu’une seule fois. « Ces données concordent avec celles de la littérature. Il n’y a donc aucun argument à ce jour pour affirmer le caractère neurotrope direct du virus, pointe le Dr de Broucker. La contamination des neurones ou des cellules de la glie par le SARS-CoV-2 n’a pour le moment jamais été prouvée chez l’homme ». D’après lui, les complications neurologiques du virus sont toutes en rapport avec un mécanisme indirect, notamment inflammatoire dont fait partie le fameux ouragan cytokinique à la phase aiguë de la maladie.

Une partie des encéphalites de la cohorte, étaient probablement de cause inflammatoire et immunologique. D’autres types d’encéphalites publiées étaient des encéphalomyélites aiguës disséminées, bien connues parmi les manifestations neurologiques post-infectieuses.

Le syndrome de Guillain et Barré. Il a touché 15 patients dans la cohorte. C'est une complication qui affecte le système nerveux périphérique (SNP). Les patients sont plus jeunes que dans les autres catégories de complications neurologiques. Le délai de survenue est aussi plus long. En effet, si dans les trois groupes déjà évoqués, les symptômes neurologiques surviennent plutôt en fin de première semaine d’infection, ce délai est porté à trois semaines pour les syndromes de Guillain et Barré.

Il existe également d'autres manifestations :

« Dans la littérature ont été décrites d’autres manifestations qui n’ont pas été observées dans notre registre », ajoute le Dr De Broucker. Il s'agit d'encéphalopathies postérieures réversibles (souvent en rapport avec une hypertension artérielle sévère), des myélites, des atteintes de nerfs périphériques (paralysies faciales, ophtalmoplégies). Les anosmies, les céphalées, les troubles de l’équilibre, décrits depuis les premières publications chinoises, ont été retrouvés aussi dans le registre bien que sans doute sous-déclarés car leur nature neurologique reste incertaine.

• Les pathologies psychiatriques liées au Covid ont été décrites dans plusieurs travaux. Pour la moitié environ, ce sont de maladies psychiatriques déclenchées ou révélées par l’infection virale. Il peut s’agir de patients qui décompensent d'une maladie psychiatrique connue du fait du confinement (notamment des pathologies psychotiques), par exemple du fait d’une rupture de suivi et de traitement, ou d’un état anxieux qui peut s’acutiser dans ces circonstances de stress. D’autres manifestations psychiatriques semblent liées aux lésions cérébrales du Covid-19 dans le cas d’encéphalopathies avec delirium.

Quant au neurotropisme du Covid, il se révèle selon le Dr de Broucker « sans neuropathogénicité directe chez l’homme connue à ce jour ». Neurones et substance blanche ne semblent, en effet, pas touchés directement par le virus, l'atteinte serait liée à la réponse à l’infection virale systémique qui retentit sur le fonctionnement cérébral. « Il n’y a pas à ce jour d’arguments de certitude pour une infection directe des cellules du SNC par le virus. En revanche, il existe certainement une infection des cellules endothéliales par le SARS-CoV-2, y compris dans les vaisseaux à destination cérébrale avec des conséquences encore mal connues », précise-t-il.

De même, le franchissement par le virus de la barrière hémato-encéphalique n’a pas été démontré chez l’homme, selon le Dr de Broucker. En effet le virus SARS-CoV-2 n’a qu’exceptionnellement été mis en évidence dans le tissu nerveux et il est aussi exceptionnellement présent (RT-PCR) dans le liquide cérébro-spinal. « Si on trouve du virus dans le parenchyme cérébral, il serait probablement situé très principalement dans l’endothélium vasculaire, à proximité du tissu nerveux lui-même mais avant la barrière hématoencéphalique », souligne le praticien.

RW Paterson et al. Brain, 8 juillet 2020. DOI: 10.1093/brain/awaa240
X Weixi et al. Neurology ; 95(11): e1479-e1487, 2020 09 15.
M Ellul et al. Lancet Neurol, septembre 2020; 19(9): 767–783.  
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Dr Alain Dorra

Source : Le Quotidien du médecin