Un reconditionnement à l'effort nécessaire

Les Covid longs en pneumologie, des formes très particulières

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Publié le 23/10/2020
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Certains patients présentent des symptômes pneumologiques persistants à distance de l'infection intiale par le SARS-CoV-2. Un programme de réadaptation post-Covid permet d'aider ces personnes à récupérer, comme le montre l'initiative lancée à l'hôpital Foch de Suresnes.
Prendre en charge et améliorer les symptômes de ces patients

Prendre en charge et améliorer les symptômes de ces patients
Crédit photo : Phanie

« On estime que les gens infectés par le Covid qui gardent des symptômes invalidants, au point de consulter parce que trop gênants pour une vie normale, sont de l’ordre de 15 à 30 % », résume d'entrée le Dr Nicolas Barizien, chef du service de réadaptation fonctionnelle de l'hôpital Foch à Suresnes.

Afin de les prendre en charge et d'améliorer leurs symptômes, le médecin et son équipe ont lancé le programme Rehab-Covid. « À Foch, on fait beaucoup de "poumon". Du coup nous avons une culture du reconditionnement à l'effort avant et après une chirurgie de greffe et même, plus récemment, avant chirurgie dans le cancer. C'est donc tout naturellement que j'ai décliné ce programme de réadaptation pulmonaire en post-Covid pour des sujets n'étant pas passés en réanimation mais souffrant de symptômes persistants », explique le médecin, par ailleurs président de la Société d’Île-de-France de médecine du sport santé.

Qui sont les sujets présentant des Covid longs ? Ces patients ne sont généralement pas passés par le parcours catastrophique de la réanimation, qui expose au risque de fibrose fixée. Ce ne sont pas non plus des insuffisants cardiaques qui désaturent. Et contrairement à la forme aiguë très grave touchant surtout les plus de 65 ans avec comorbidités, ce sont plutôt des gens jeunes actifs et sans facteur de risque : des femmes de 40 à 60 ans et des hommes de 30-50 ans dont la vie se retrouve totalement bousculée.

Trois profils types

Ces personnes ayant un Covid long peinent à l'effort. La première chose à faire est de vérifier qu’il n’y a pas de séquelle tissulaire de l’infection par le SARS-CoV-2 en éliminant : une fibrose pulmonaire au scanner, une myopéricardite à l'échographie ou à l'IRM cardiaque, ainsi qu'une embolie pulmonaire et une ischémie cardiaque par les D-dimères et la troponine à la biologie. Des anomalies du bilan hépatique sont également à rechercher, certains patients ayant fait une hépatite au cours de l'infection virale.

Une fois ce bilan réalisé, il faut évaluer les patients pour les efforts de la vie quotidienne. En pratique, trois profils-types de patients ayant un Covid long se dessinent. « Primo les sujets déconditionnés : ils ont perdu une masse musculaire très importante au cours du Covid aigu, entre 5 à 10 % du poids corporel, et n'ont pas récupéré. Secundo, les sujets en stress post-traumatique ou syndrome anxieux qui n'arrivent plus à respirer complètement, bloqués par le stress. Enfin, tertio les "vrais" Covid longs qui à mon sens qui présentent une perturbation de leur système neurovégétatif s'exprimant par une dérégulation de leur respiration ou de leur fréquence cardiaque », souligne le Dr Nicolas Barizien.

Parmi ces vrais Covid longs, il y a ceux qui ont un syndrome d’hyperventilation avec une respiration superficielle peu efficace, mais qui se rééduque en quelques semaines avec un kinésithérapeute. Il y a également ceux qui ont une fréquence cardiaque (FC) inadaptée sans trouble du rythme cardiaque : alors qu'ils sont au repos avec une FC normale de 60-80 pulsations par minute (ppm), ils passent d'un coup à 110 ppm durant 5 à 10 minutes avant de redescendre à 80 comme s’ils avaient couru pendant 10 minutes. Le mécanisme physiopathologique à l'origine de ce trouble d'inadéquation cardiorespiratoire n'est pas connu. « Mais cela ne nous empêche pas de les prendre en charge par une rééducation identique à un entraînement sportif basé sur l'endurance mais aussi de l'intervalle training », explique le médecin responsable à Foch.

Inflammation, auto-immunité, complication vasculaire ?

Si l'atteinte neurovégétative n'a pas encore d'explication physiopathologique claire, trois pistes sont explorées : l'hypothèse inflammatoire (invisible à la biologie habituelle), l'hypothèse auto-immune (des auto-anticorps ont été mis en évidence à l'autopsie des neuro-Covid) et l'hypothèse microvasculaire. D'ailleurs les trois mécanismes pourraient concourir à la physiopathologie de ces Covid longs.

Le taux de réussite de la réhabilitation varie dans les sous-groupes. Dans le premier groupe avec déconditionnement et dénutrition, l'activité physique associée à un régime hyperprotéiné et à la kinésithérapie motrice est très efficace. À deux mois, on observe une récupération importante de l'ordre de 80 %. Dans le second groupe avec stress et anxiété, le problème bien posé libère déjà le patient mais une prise en charge psychologique s'impose. Enfin, dans le troisième groupe, le syndrome d'hyperventilation répond assez bien à une kinésithérapie respiratoire. Quand le dérèglement est au niveau cardiaque, il est plus long à corriger.

Rassurer les patients sur leur guérison

« Globalement, les patients qu’on suit depuis le mois de juin vont tous mieux. Leur amélioration est plus ou moins rapide mais je suis optimiste sur leur récupération complète », rassure le Dr Barizien. Et identifier la catégorie dans laquelle les patients se trouvent permet de les aider considérablement. « Malheureusement notre système de santé n'a pas les capacités suffisantes, déplore le Dr Barizien. Surtout depuis la seconde vague où les patients Covid aigus viennent se rajouter à toutes nos activités habituelles qui ont repris. Tous les hôpitaux font du suivi de leurs anciens patients Covid aigus, les médecins généralistes font beaucoup de suivi de Covid à la maison, tout le monde est débordé ».

Pour le Dr Barizien, il est crucial de dire que « le Covid long n'est pas une pathologie fantasmée, que ça existe et que ça ne semble pas grave. C'est une convalescence particulièrement longue comme après une mononucléose infectieuse. Il faut dire aux patients qu'une rééducation appropriée et un suivi psychologique adapté vont leur permettre de récupérer plus vite leur état antérieur. Ce n'est pas parce que les capacités d'accueil sont insuffisantes qu'ils sont oubliés ! »

Pascale Solere

Source : Le Quotidien du médecin