On dénombre chaque année en France environ 3 000 nouveaux cas de cancers du col de l’utérus et un millier de décès. Les trois-quarts de ces cas sont observés chez des femmes âgées de 25 à 65 ans, avec un pic de fréquence vers 40-45 ans. À la différence d’autres cancers, le cancer du col de l’utérus est un cancer évitable par la mise en place d’un dépistage performant, qui vise à détecter et traiter les lésions précancéreuses et donc à stopper le processus de carcinogenèse, et d’une politique de vaccination active, puisque le vaccin à neuf valences permet d’éviter 90 % des lésions de haut grade.
Les limites du frottis
Or, depuis une quinzaine d’années, l’incidence du cancer du col diminue très lentement mais n’a pas décliné de façon significative. « Un constat qui souligne les limites du dépistage actuel, opportuniste et fondé sur le frottis, qui est sans doute arrivé au maximum de ce qu’on pouvait en attendre », rapporte le Dr Joseph Monsonego, président du comité scientifique d'Eurogin. De fait, la couverture du dépistage est insuffisante, de 60 % en moyenne en France, mais avec de grandes disparités géographiques, et la sensibilité du frottis demeure imparfaite, en France comme dans d’autres pays. Des travaux en France et ailleurs ont en effet montré que de 25 à 30 % des cancers invasifs surviennent chez des femmes bénéficiant régulièrement d’un frottis de dépistage.
« La France a cette année pris des initiatives fortes pour résoudre ces deux problèmes, poursuit le Dr Monsonego. La première est l’organisation du dépistage pour en accroître la couverture. Sa mise en œuvre va se faire en pratique à l’échelon régional, par les structures en charge du dépistage des cancers du sein et du côlon. Grâce à cette mesure, on attend une augmentation de 12 points de la couverture. »
Deuxième évolution : le changement de l’outil du dépistage, pour en augmenter sa sensibilité. Le recours au test HPV en dépistage primaire a été largement évalué au cours de ces dernières années. Les études randomisées ont permis de montrer qu’il permet d’augmenter de 30 % la détection des lésions de haut grade, et de façon plus précoce que la cytologie. « En pratique, le test HPV n’est presque jamais négatif dans les CIN 3, ce qui n’est pas le cas de la cytologie, rappelle le Dr Joseph Monsonego. Il apporte ainsi une protection accrue vis-à-vis du cancer invasif. » Il est également établi que lorsqu’un test HPV est négatif à un instant T, le risque de lésions précancéreuses et cancéreuses du col est proche de zéro à 5 ans, même en cas de nouvelle infection dans cet intervalle.
Le triage pour éviter les surtraitements
Toutes les femmes dont le test viral est positif n’ont pas de lésions de haut grade : elles peuvent être porteuses d’un virus silencieux ou présenter des lésions mineures. La prévalence du HPV est importante, elle concerne de 10 à 15 % des femmes de plus de 30 ans. Se fonder sur le seul résultat du test HPV pour établir la stratégie de prise en charge en cas de positivité exposerait à un risque d’inquiétude inutile, de surdiagnostic et de surtraitement. C’est pourquoi il est important de faire le triage de cette population de plus de 30 ans HPV positive, afin de repérer les femmes qui sont les plus à risque de lésions de haut grade.
En France, la Haute Autorité de santé a choisi de réaliser un triage par le frottis. Ainsi, chez les femmes de plus de 30 ans, un test HPV positif en dépistage primaire conduit à réaliser un frottis. Si ce dernier met en évidence des anomalies, la femme bénéficie d’emblée d’une colposcopie. Si le frottis est normal, la femme est reconvoquée un an plus tard pour un nouveau test HPV. S’il est négatif, un nouveau test sera effectué 5 ans après. S’il est positif, elle doit alors faire une colposcopie, même si le frottis antérieur était normal.
D’autres stratégies envisageables
« Cet algorithme de prise en charge est validé, mais il ne tient pas compte du type viral, et si le deuxième test est positif, on ne sait pas s’il s’agit de la persistance du même virus ou d’une nouvelle exposition », note le Dr Monsonego, avant de rappeler que tous les types viraux n’exposent pas au même risque. Les types 16/31/33/45/18/52 et 56 sont responsables à eux seuls de 90 % des CIN 3. Lorsque le test HPV est positif pour le génotype 16, le risque de CIN 3 est de 15 à 20 %, même si le frottis est normal. Les États-Unis, notamment, ont choisi l’option du triage fondé sur le risque lié au type viral. La positivité au HPV 16 fait ainsi réaliser une colposcopie d’emblée.
D’autres stratégies de triage sont en cours d’évaluation et ne sont donc pas utilisées en routine : test de méthylation et détection de p16.
Autoprélèvement pour améliorer la couverture
Parallèlement au dépistage organisé, l’autoprélèvement (un kit de prélèvement est adressé directement aux femmes) est une stratégie susceptible d’améliorer la couverture au dépistage. Le principe est le même que pour le dépistage organisé : si le test est négatif, la femme bénéfice d’un nouveau dépistage 5 ans après. S’il est positif, elle est convoquée pour triage. « La sensibilité des tests d’amplification du signal en autoprélèvement est moindre que celle des tests avec amplification génique (PCR) », indique le Dr Monsonego, qui se félicite des évolutions positives actuelles. Certes, il va y avoir une période de transition, le temps que toutes ces décisions soient effectives sur le terrain. Mais le train est en marche.
Entretien avec le Dr Joseph Monsonego, président du comité scientifique d'Eurogin
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