La difficile gestion des « bébés sans bras »

Publié le 24/06/2019
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bebe sans bras

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Crédit photo : PHANIE

« Santé publique France (SpF) a été dans le déni concernant les cas groupés d'agénésies transverses des membres, estime l'épidémiologiste Emmanuelle Amar, responsable du registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera). En septembre 2018, Emmanuelle Amar médiatise ses inquiétudes face à la naissance d'enfants atteints d'agénésies transverses des membres, dans un périmètre de 17 km dans l'Ain. Des cas que l'on observe également en Loire-Atlantique et dans le Morbihan. SpF n'ignore pas leur existence. « Des investigations ont été réalisées avant même mon arrivée, explique François Bourdillon au « Quotidien ». Elles ont généré des données non publiées à l'époque, qui montraient que ces cas ne pouvaient pas être liés à un facteur de risque particulier ».

L'alerte donnée par le Remera étant reprise par une grande partie des médias, SpF organise début octobre 2018 une conférence de presse « pour dire qu'il n'y avait pas d'excès de cas et qu'aucune enquête n'avait besoin d'être ouverte », se souvient Emmanuelle Amar. Tollé parmi les parents des petites victimes. « La médiatisation de l'affaire a fait venir la ministre de la Santé sur le plateau de RTL. Elle a désavoué l'agence en disant qu'il fallait fournir une réponse aux familles », juge l'épidémiologiste. En février 2019, tout est remis à plat. SpF n'est plus seul à la manœuvre : un dispositif d'enquête conséquent est mis en place, constitué d'un comité scientifique et d'un comité de coordination coordonnés par SpF et l'ANSES. L'enquête épidémiologique reprend de zéro. Et la ministre attend qu'on lui rende des comptes, dès le mois de juin.

« Nous avons été satisfaits de voir qu'Agnès Buzyn avait pris ses responsabilités, note Emmanuelle Amar. Mais on espérait qu'elle missionnerait l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour comprendre l'inertie de SpF dans cette affaire. Dans une interview accordée à « What's up doc », François Bourdillon a dit : nous avons un système de surveillance extrêmement performant en France. Sur le versant des maladies infectieuses, cela fonctionne très bien, en effet. Mais ce n'est pas le cas, pas sur ce qui a un lien potentiel avec l'environnement au sens large : travail, alcool, pesticides, etc. » Et de citer les 6 registres de surveillance des malformations en France : ils couvrent 21 % des naissances.

Sophie Coisne

Source : Le Quotidien du médecin: 9760