Stratégie gagnante pour le Nutri-score

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Publié le 24/06/2019
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Le Nutri-score est aujourd'hui porté au plus haut. Le premier ministre Édouard Philippe s'est prononcé pour que ce dernier devienne obligatoire en Europe lors de son discours le 12 juin à l'Assemblée Nationale. Pourtant, la route du logo nutritionnel n'a pas toujours été simple. Quel rôle a joué Santé publique France (SPF) dans sa promotion ?

« SPF a apporté un fort soutien dès le départ, assure le Pr Serge Hercberg, qui a élaboré le Nutri-score au sein de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN). François Bourdillon a compris très tôt l'intérêt scientifique de l'outil et y a cru avant la phase officielle ». En 2014, le Nutri-score apparaît pour la première fois parmi 15 autres propositions de mesures, dans un rapport demandé au Pr Serge Hercberg afin de rebooster le Programme national nutrition santé (PNNS). Si la ministre de la Santé, Marisol Touraine, retient alors le logo nutritionnel, le parcours n'est pas simple jusqu'à son intégration dans la loi santé de 2016.

« Les acteurs économiques et différents ministères ont fait pression, c'était compliqué, se souvient Serge Hercberg. François Bourdillon a toujours pris la défense de ce qu'il pensait être un outil utile de santé publique ».

Le soutien de l'institution s'est exercé à plusieurs niveaux, de la finalisation de l'outil à son déploiement, explique l'épidémiologiste. « Nous, chercheurs, avons mis au point le prototype, développe Serge Hercberg. Une collaboration s'est mise en place avec les équipes de SPF pour le développement final : les graphistes ont travaillé à définir les différentes présentations possibles et les scientifiques ont participé à valider l'algorithme ».

L'agence sanitaire assure également le déploiement auprès des opérateurs économiques. « SPF a eu l'intelligence de demander une marque déposée, rapporte Serge Hercberg. Un cahier des charges a été défini en concertation entre le ministère de la Santé, SPF et les équipes de recherche. C'est auprès de SPF que les industriels s'inscrivent et se renseignent ».

Pour le rayonnement de l'outil, SPF a été très proactive via la recherche, en co-finançant avec l'Australie une étude dans 12 pays (dont 6 européens) qui a testé de façon objective différents logos nutritionnels, dont le Nutri-score. De plus, suite à ce travail publié en 2018, une phase d'extension dans 5 autres pays européens a été mis en place, grâce au financement de SPF. « C'est très important pour avoir des discussions au niveau européen pour que le Nutri-score devienne obligatoire », souligne Serge Hercberg.

Aujourd'hui, le Nutri-score est le système retenu par plusieurs États-membres (Belgique, France, Espagne) mais il peine à se développer, l'affichage étant facultatif selon la réglementation européenne. « Aujourd'hui, 116 entreprises sont inscrites et se sont engagées à adopter le Nutri-score sur les emballages, rapporte Serge Hercberg. Mais les gros groupes continuent de refuser ».

Une initiative citoyenne, baptisée « Pro Nutri-score » et lancée par six associations de consommateurs européennes (dont Que choisir) a lancé une pétition pour soutenir la démarche auprès de la Commission européenne. Un million de signatures sont nécessaires pour que la demande aboutisse et que l'instance européenne réponde.

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9760