Pr François Dabis, directeur de l'ANRS

Les représentants communautaires sont aujourd'hui des professionnels de la recherche

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Publié le 28/11/2019
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Crédit photo : F Guenet

LE QUOTIDIEN : Quel rôle jouent les communautés de patients dans la recherche sur le sida ?

PR FRANÇOIS DABIS : Ces communautés ont souhaité, dès le début de l'épidémie, établir un dialogue avec les chercheurs. Elles nous ont fait part de leurs préoccupations et ont souhaité que l'on fasse de la recherche pour et avec elles. Ces relations ont parfois été tendues et compliquées - le temps de la recherche n'est pas le même que celui du malade - mais avec l'expérience, c'est devenu plus constructif.

Pour nous, cela s'est concrétisé par des mécanismes de relation avec des collectifs d'association comme le TRT5. On s'appuie sur des représentants des communautés qui endossent parfois le rôle de co-investigateurs, voire d'investigateurs principaux.

Auriez-vous des exemples concrets ?

Nous pouvons citer notre programme de recherche sur la PrEP en Île-de-France : ANRS-Prévenir. Ce projet vise, sur une période de 3 ans, à évaluer l'impact de la PrEP sur le contrôle de l'épidémie dans une population de 3 000 personnes séronégatives à risque élevé de contamination. Cette étude, dont la quasi-totalité des participants sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), a été co-construit avec l'association AIDES.

Les représentants communautaires sont maintenant des professionnels de la recherche qui ont montré leurs compétences et leur expertise et ont acquis un niveau de responsabilité équivalent à celui des équipes de recherche.

Nous pouvons aussi évoquer ANRS Makasi, menée en Île-de-France avec les associations de migrants africains et caribéens, et qui permet à ces communautés de s'approprier les moyens de prévention et de dépistage en santé sexuelle.

On évoque beaucoup les programmes de recherche menés avec la population HSH, mais assez peu ceux avec les autres communautés à risque telles que les migrants, les travailleur(se)s du sexe, les consommateurs de drogues…

Il est aujourd'hui plus difficile de travailler sur ces populations-là car elles sont très vulnérables, et ont des problématiques de précarités et d'accès aux soins qui passent avant la recherche. Ces populations sont, de plus, souvent peu accessibles et/ou hypermobiles. Même en milieu carcéral, nous avons relativement peu de programmes de recherche.

Existe-t-il des expériences étrangères dont la France peut s'inspirer ?

Ce qui me paraît aujourd'hui le plus novateur est le modèle anglais. Ils ont développé des centres de santé sexuelle qui réfléchissent en termes de bassins de population et ont permis le déploiement de la PrEP à grande échelle.

Il y a encore très peu de centres de santé sexuels en France, et ils sont principalement centrés sur la population HSH. J'ai récemment visité à São Paulo, une grande clinique qui s'occupe de la santé des trans. Ces derniers sont plus nombreux et mieux acceptés au Brésil qu'en France où il faudrait des centres de santé sexuelle pour migrants ou pour la population trans. Nous lancerons d'ailleurs un programme de recherche dédié aux trans en 2020.

Propos recueillis par Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin