« Le transfert par train à grande vitesse (TGV) avait été testé il y a un an dans un exercice de médecine de catastrophe (exercice Chardon). Une collaboration entre la SNCF et les Samu de Paris et de la région Est. Cet exercice, mené entre Metz et Paris, avait permis d’évaluer sa faisabilité. On était plus dans une optique de transfert de patients de traumatologie. Un bloc opératoire était prévu. Mis en pratique cette année pour la première fois pour le Covid-19, il a fait ses preuves. C’est un nouvel outil que les urgentistes vont devoir intégrer à leur boîte à outils, en complément des transferts routiers et héliportés », explique le Dr Lionel Lamhaut (CHU Necker, SAMU-SMUR Paris).
Une structuration en wagons indépendants
En pratique, chaque wagon a été organisé en unité indépendante. Un wagon accueillait quatre patients graves intubés plus quatre paramédicaux, un médecin senior, un interne, un logisticien ainsi qu’une biologie et une échographie embarquées. « C’était la condition pour pouvoir assurer des soins de même qualité qu’en service de réanimation », souligne le Dr Lamhaut. Au total, un train de six wagons permet de transférer 24 patients. Soit l’équivalent réanimatoire de 100 000 habitants. « Et même deux fois plus, quand on organisait deux rames de TGV en simultané », explique l’urgentiste.
La transmission s’est faite au départ. Les Samu de la zone d’arrivée étaient libres. Ils sont venus avec leur matériel. Ce sont eux qui ont accompagné les patients dans les trains, soutenus parfois par des équipes d’Île-de-France, témoignant d’une solidarité nationale hors pair.
Une planification stricte centrée patient
« Au-delà du fait d’aménager les wagons, nous avons dû adapter les gares. Embarquement et débarquement ont été très rigoureusement planifiés, wagon par wagon, patient par patient. Ces opérations sont très longues et mobilisent de nombreux intervenants. Les trains pouvaient desservir plusieurs villes. Et les patients les plus graves devaient pouvoir être extraits plus vite. C’était un point crucial », relate le Dr Lamhaut
Les patients étaient scrupuleusement sélectionnés. Ils ne pas pouvaient être transférés avant au moins 72 heures d’intubation/ventilation, ne devaient pas souffrir d’autre défaillance majeure et être stables… Ils étaient réévalués le matin du départ. À chaque fois 20 % s’étaient dégradés dans la nuit. Ils ont dû être remplacés par un autre patient. Il faut le prévoir en amont, pour être à même de remplir les trains le jour J.
Un premier bilan très satisfaisant
Sur les 600 transferts totaux effectués en France, 202 l’ont été par train. Le bilan est très satisfaisant. Aucun décès n’a été à déplorer à l’arrivée. « Il reste néanmoins à comparer le suivi de cette cohorte à des patients de même gravité non transférés. Mais nous avons eu le sentiment d’être en sécurité », se réjouit le Dr Lamhaut.
Par comparaison aux hélicoptères, le train permet d’aller plus loin, très vite avec le même temps d’embarquement qu’un avion militaire de type Morphée, mais avec davantage de patients. En revanche, pour y requérir il faut avoir de nombreux patients. « C’était une première en Europe. On n’avait plus transporté de patients en train depuis la première guerre mondiale. L’expérience pourrait être répliquée. L’Espagne en particulier y pense », conclut le Dr Lamhaut.
Entretien avec le Dr Lionel Lamhaut (CHU Necker, SAMU-SMUR Paris)
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