Les traumatismes craniocérébraux (TCC) légers sont fréquents : 200 à 300 pour 100 000 habitants (soit plus de 150 000) sont pris en charge aux urgences chaque année. Mais en prenant en compte les patients qui ne consultent pas, leur nombre atteindrait environ 700 par an pour 100 000 habitants. Au sein des clubs de sports, environ cinq millions de Français seraient exposés à un risque de TCC légers (TCCL). Mais ils sont en réalité bien plus nombreux, car les TCCL surviennent aussi lors des activités de loisirs et des accidents domestiques.
Toute la problématique est de repérer les TCCL à risque. « Les critères diagnostiques du TCCL font l'objet d'un relatif consensus, relève le Pr Philippe Azouvi (Garches). La perte de connaissance doit être inférieure à 30 minutes, et/ou avec une amnésie post-traumatique de moins de 24 heures (sinon il s'agit d'un TCC modéré), et/ou un score à l'échelle de coma de Glasgow compris entre 13 et 15 (30 minutes après le traumatisme), et/ou l'existence d'un trouble neurologique transitoire dans les suites immédiates, voire une crise d'épilepsie. Un seul de ces critères suffit au diagnostic de commotion cérébrale ».
Des effets non négligeables
« Les conséquences peuvent être immédiates, avec une aptitude moindre à mener une action anticipée non routinière (pouvant aller jusqu'au syndrome de l'automate), un risque accru de blessure en cas de reprise trop rapide, et un syndrome de deuxième impact (seulement une trentaine de cas répertoriés dans la littérature) pouvant conduire au décès. Il faut parfois compter six à sept jours pour un retour à la normale. Pendant ce temps, le cerveau fonctionne au ralenti : tout ce qui le sollicite de façon prolongée le met en difficulté », explique le Pr Philippe Decq (hôpital Beaujon, Clichy). « Les commotions cérébrales ne s'accompagnent pas d'anomalies objectives à la polysomnographie. Néanmoins, plus elles sont nombreuses, plus le risque de se plaindre d'insomnie augmente », souligne Sophie Bayard (psychologue à Montpellier).
Une imagerie n'est pas forcément utile pour tous. « Cependant, les patients considérés à risque élevé doivent bénéficier d'un scanner cérébral dans l'heure suivant l'admission : ce sont les victimes de TCC sous anticoagulants ou bithérapie antiplaquettaire ou avec une maladie hémorragique congénitale, ainsi que les sujets ayant eu un TCCL et présentant des signes cliniques évocateurs de lésions intracérébrales, rappelle le Dr Étienne Allart (CHU de Lille). En cas de risque intermédiaire (âge d’au moins 65 ans avec mono-anti-agrégation plaquettaire, score de Glasgow inférieur à 15 à deux heures du TCCL, traumatisme avec une cinétique élevée, amnésie des faits survenus plus de 30 minutes avant le TCC), le scanner est à faire dans les huit heures ». Pour visualiser des lésions très petites, il faudrait pouvoir réaliser une IRM, de préférence 3T.
La prise en charge repose sur l'arrêt immédiat de l'activité sportive : « il n'est pas question de reprendre le même jour sans avis médical », insiste le Pr Decq. La reprise sportive n'est possible qu'après normalisation clinique totale. Un allongement du délai est à prévoir chez les enfants et les adolescents, ou si la victime cumule plus de cinq commotions, en cas d'antécédent de TCCL dans les trois mois, de récupération longue lors du précédent traumatisme, ou si elle a peur. Le retour doit être très progressif, pour aboutir au maintien d'une activité physique adaptée très légère. De plus, une alimentation équilibrée est nécessaire, ainsi que la prise d'antalgiques à la demande pendant quelques jours (la douleur étant un critère d'évolution défavorable Enfin, il faut enfin assurer un soutien psychologique.
Un risque de syndrome post-commotionnel ?
Il existe un large consensus sur la présence de déficits cognitifs directement liés à la commotion cérébrale, dans les premières semaines qui suivent un TCCL (troubles de la mémoire, de l'attention, de la vitesse de traitement de l'information). Mais environ 20 % des personnes ayant été victimes d’un TCCL ne récupèrent pas totalement, et présentent encore des séquelles un an après. « Les principaux facteurs de risque d’une évolution défavorable vers un syndrome post-commotionnel (SPC) sont multiples : traumatisme dû à une violence volontaire (plutôt qu'accidentelle), âge avancé, antécédents psychiatriques, stress élevé, sévérité des symptômes cliniques durant les premiers jours suivant le TCC, explicite le Pr Philippe Azouvi. La persistance de ces déficits à long terme serait en rapport avec des facteurs psychologiques associés : troubles de l’humeur, état de stress post-traumatique… L'évolution à moyen et long terme des victimes de TCCL semble ainsi résulter d’une association d’éléments lésionnels, de facteurs démographiques et psychodynamiques. La fréquence de survenue d’un SPC persistant souligne l’importance d’un suivi et d’une prise en charge adaptée, la plus précoce possible, pour minimiser le risque de chronicisation des symptômes ».
D’ailleurs, une expérience francilienne positive a consisté à rappeler les patients passés aux urgences avec un diagnostic de TCCL. En cas de SPC persistant au-delà de quatre semaines, il leur était proposé une prise en charge psychologique et cognitive en hôpital de jour de rééducation pendant six semaines. Elle permettait une amélioration significative des fonctions cognitives, de l'humeur et de la perception de l’état de santé.
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