La maladie d’Alzheimer (MA) a un statut particulier. À la frontière de nombreux champs disciplinaires, elle intéresse les gériatres, les médecins généralistes, les psychologues, les neurologues, les généticiens, les économistes et... les médias. On en parle quotidiennement, certains même pour remettre en cause sa réalité, invoquant l’idée qu’elle pourrait être la manifestation du vieillissement physiologique du cerveau. Autre caractéristique : c’est la seule maladie dans l’histoire de la médecine pour laquelle le diagnostic n’est porté qu’au stade de démence. « On s’interdit singulièrement de faire le diagnostic avant qu’elle n’ait atteint un certain stade de sévérité, constate le Pr Bruno Dubois. Mais, si on en parle beaucoup, la MA intéresse peu ! Son diagnostic est difficile et les critères ne sont que cliniques ». Certes, le dosage des biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien peut apporter le diagnostic de certitude. Ce qui est réalisé dans certains cas. Reste à se poser la question de savoir s’il faut s’attacher à caractériser certains troubles à partir d’un certain âge.
Il est possible d’individualiser schématiquement deux situations bien différentes auxquelles le médecin doit apporter les bonnes réponses. La première est celle du sujet de 85 ans, bien installé dans son écosystème mais qui perd un peu la tête. Le mini mental state examination (MMSE) va permettre d’apprécier globalement les fonctions cognitives. Si la MA est fortement suspectée, une structure de prise en charge doit être mise en place. Autre cas : celui d’un sujet âgé de 60 ans qui se plaint de pertes de mémoire. « Ici, le MMSE n’est pas adapté, explique le Pr Dubois. Mais il faut se garder de dire au patient que c’est un phénomène banal, que ça arrive à tout le monde. Le test des cinq mots va permettre de le rassurer ».
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Se pose alors la problématique d’un diagnostic précoce, devant l’inquiétude du patient, son désir de savoir, tout en sachant que les outils sont mal adaptés et que l’efficacité des traitements est très modeste, personne ne le nie. Autre argument à considérer, celui de la responsabilité médicale dans l’annonce du diagnostic.
L’inquiétude se manifeste par la plainte mnésique, symptôme d’une grande fréquence non corrélée aux performances des tests de mémoire. Elle témoigne le plus souvent d’un trouble attentionnel dû à un épisode dépressif ou anxieux, à un stress professionnel, à la prise de médicaments ou encore à des altérations du sommeil. Difficile de faire la distinction avec les symptômes d’une maladie neurodégénérative.
Quant au désir de savoir, il est évident. Une étude européenne révèle en effet que 97,3 % des patients en France qui consultent pour plainte mnésique veulent savoir sils sont atteints d’une MA ou non, 98,2 % en Allemagne. « Je ne dis pas qu’il faut absolument faire le diagnostic, insiste le Pr Dubois, je dis juste que ces notions doivent être connues ». Le diagnostic précoce a le bénéfice de planifier le futur, de prendre des décisions personnelles (lieu de vie, habitat, conduite automobile...). Pour Pr Dubois, il faut faire le diagnostic quand le patient est demandeur. Dire que le diagnostic ne doit pas être posé en cas de MA parce que les traitements ne sont pas efficaces n’est pas un argument. Les médecins font en permanence le diagnostic de maladies qui n’ont pas de traitement efficace. Il faut choisir les bons tests, orienter au moindre doute et retarder autant que possible la perte d’autonomie du patient.
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