Évolutions pas à pas dans la maladie de Ménière

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Publié le 10/11/2022
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Les médicaments vestibuloplégiques indiqués pour le traitement de la crise de Ménière ou sa prophylaxie n’ont guère changé depuis des années. Lorsqu’ils ne suffisent pas, le recours aux corticoïdes ou aux diurétiques reste controversé. Dans les formes réfractaires, des traitements par injection transtympanique permettent de réduire les indications chirurgicales.
Plusieurs traitements ne disposent que d’un faible niveau de preuves

Plusieurs traitements ne disposent que d’un faible niveau de preuves

Dans la maladie de Ménière, le traitement de la crise aiguë de vertige repose généralement sur l’acétylleucine (Tanganil) ou sur le chlorhydrate de méclozine (Agyrax). « Associé à une amélioration de l’hygiène de vie, la prise en charge du stress, cela suffit lorsque les crises sont espacées », note la Dr Marie-José Esteve-Fraysse (CHU Purpan, Toulouse). Si elles sont fréquentes, un traitement prophylactique au long cours peut être instauré, en respectant les contre-indications : la betahistidine est contre-indiquée en cas d’asthme, de RGO ou d’ulcère digestif ; la méclozine est contre-indiquée en cas de glaucome à angle fermé, de rétention urinaire, d’insuffisance hépatique ; la flunarizine (Sibélium), en particulier s’il existe des céphalées associées, est contre-indiquée en cas d’obésité ou de dépression.

Si la symptomatologie persiste, certains ajoutent des diurétiques (acétazolamide, furosémide, hydrochlorothiazide). Ils pourraient pourrait réduire la fréquence des crises et freiner la perte auditive, mais les résultats des études sont contradictoires et le niveau de preuve très faible. Toutefois, ils sont bien tolérés, sous surveillance de la kaliémie.

Le glycérol, IV ou per os, pourrait aussi améliorer les vertiges et les acouphènes mais, là encore, on manque d’arguments formels.

Injections transtympaniques de corticoïdes

Des corticoïdes per os ont été parfois prescrits, sans que leur utilisation soit étayée par des études. Il existe cependant un rationnel en faveur des corticoïdes, du fait de l’association fréquente de la maladie de Ménière à des maladies auto-immunes, et de l’existence d’un profil protéique de type auto-immun dans le liquide endolabyrinthique ou le sang. « Ils peuvent rendre service en cas de maladie auto-immune associée, de vertiges récurrents de longue durée ou d’une baisse brutale de l’audition », reconnaît le Pr Thierry Mom (CHU de Clermont-Ferrand).

En ce qui concerne les ITT de corticoïdes, les recommandations de 2017 sur la maladie de Ménière reconnaissent que ces médicaments, non ototoxiques, représentent une solution de choix dans un Ménière authentifié en cas d’inefficacité des traitements médicaux classiques ou d’une contre-indication, et en particulier si la maladie de Ménière est bilatérale ou si l’oreille controlatérale est sourde.

Deux molécules sont recommandées, mais la dexaméthasone semble avoir la préférence car son injection est moins douloureuse et, sur le plan physiopathologique, elle inhibe l’aquaporine-2, protéine impliquée dans le passage transmembranaire de l’eau et vraisemblablement de l’hydrops. L’injection mesotympanique sous microscope est réalisée sous anesthésie locale.

En 2021, une revue de 25 essais randomisés concluait que les ITT de stéroïdes et de gentamicine avaient un effet significatif par rapport au placebo.

L’ITT de gentamicine réalise en fait une labyrinthectomie chimique, avec généralement une amélioration nette des vertiges. Elle est indiquée en première ligne en cas de crises de Tumarkin (chute brutale sans sensation de vertige), si le déficit vestibulaire est sévère avec oreille controlatérale normale ou le patient très handicapé sans possibilité de compensation ; en seconde ligne, elle est indiquée après échec des ITT de dexaméthasone. Le patient doit être informé du risque de déficit vestibulaire secondaire à type d’instabilité, voire de baisse auditive.

Ménager la possibilité d’implant cochléaire

Avant toute indication chirurgicale, il faut tenir compte que le handicap auditif pourra faire ultérieurement proposer un implant cochléaire et il est impératif d’épargner au maximum la cochlée. La décompression du sac endolymphatique est efficace dans au moins 75 % des maladies de Ménière réfractaires à long terme.

Une nouvelle technique, la ligature de l’aqueduc vestibulaire, assure un meilleur contrôle des vertiges que la décompression seule mais fait moins bien pour la sensation de plénitude auriculaire ou les acouphènes. Il existe des alternatives, comme la neurotomie vestibulaire, si l’audition utile est conservée, ou la labyrinthectomie chirurgicale en cas de cophose sévère ou inappareillable.

Exergue : Le handicap auditif doit être pesé avant toute indication chirurgicale

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin