Comment repérer au mieux les actes de maltraitance commis sur des enfants ? Cette question est au cœur de la réflexion actuellement menée par un groupe de travail mis en place en avril par la Haute Autorité de santé (HAS) sur le thème suivant : « Maltraitance chez l’enfant : repérage et mesures de protection ». Ce groupe est présidé par la Dr Anne Tursz, pédiatre à Villejuif. « Un des objectifs est de rédiger des fichesmémos pratiques à l’attention des médecins hospitaliers ou libéraux, des urgentistes mais aussi des différents professionnels au contact de la petite enfance », indique la Dr Emmanuelle Bosdure, pédiatre et responsable de l’unité de médecine infantile de l’hôpital de la Timone à Marseille.
Le premier conseil que donne la Dr Bosdure lors de ses cours à la faculté de médecine ou aux externes est de systématiquement avoir le mot « maltraitance » dans un coin de sa tête parmi les diagnostics possibles pour un enfant. « Il faut donc y penser à chaque fois que l’on voit un enfant. Ensuite, il n’existe pas bien sûr de signes cliniques qui puissent permettre à 100 % de conclure à un acte de maltraitance. Mais certains signes sont quand même très évocateurs lorsqu’on reprend le contexte dans lequel ils surviennent. C’est le cas de tous les traumatismes ou blessures qu’un enfant n’a pas pu se faire tout seul en raison de son âge et de son développement psychomoteur », explique la Dr Bosdure, en citant quelques exemples précis. « C’est le cas par exemple de toute fracture chez des enfants de moins d’un an. De la même manière, un enfant de 7 ou 8 mois avec une brûlure au niveau des fesses peut difficilement s’être exposé tout seul à une source forte de chaleur à cet endroit du corps. Il faut aussi se poser des questions face à des bleus ou des hématomes au niveau du thorax, des fesses, des organes génitaux, derrière les oreilles (…) chez les tout- petits ».
La Dr Bosdure insiste aussi sur l’importance du contexte et des explications fournies par les parents. « Il est évident qu’on ne se posera pas de questions pour une fracture chez un enfant amené par les pompiers après un accident de voiture. En revanche, il faut être en alerte si on ne retrouve pas de contexte pouvant expliquer la lésion, par exemple quand les parents affirment qu’il ne s’est rien passé, ou si le contexte n’est pas compatible avec les lésions observées ».
La Dr Bosdure reconnaît que l’évaluation d’une situation clinique puis le déclenchement d’un signalement judiciaire sont plus faciles en milieu hospitalier où les professionnels peuvent se concerter et se donner un peu de temps de réflexion surtout si l’enfant est hospitalisé. « Mais un professionnel de ville n’est pas non plus tout seul face à ce genre de situation. Il peut d’abord contacter un confrère hospitalier ou le médecin référent « maltraitance » au sein de l’hôpital. Il peut aussi contacter la Cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP), qui dépend du conseil général. Un autre recours est le conseil départemental de l’Ordre qui dispose également, en principe, d’un référent maltraitance », détaille la Dr Bosdure. « Sinon, si le médecin de ville se sent démuni, il peut adresser l’enfant aux urgences hospitalières ».
D’après un entretien avec la Dr Emmanuelle Bosdure, hôpital de la Timone, Marseille
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