Épidémie 2024 de coqueluche : peut mieux faire

Publié le 13/12/2024
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Pour limiter très fortement les conséquences des épidémies de coqueluche sur les nourrissons — les plus à risque de formes graves — les acteurs de la santé doivent se mobiliser et informer les femmes que la vaccination pendant leur grossesse est la solution la plus efficace pour protéger leur enfant dès la naissance.

La vaccination ne couvre que quelques années

La vaccination ne couvre que quelques années
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le pic épidémique 2024 était attendu puisque la coqueluche est une maladie qui, même avec la vaccination, laisse émerger des pics épidémiques tous les trois à cinq ans. Cependant, il s’est révélé particulièrement fort comparativement aux pics du passé, surpassant les pics des dix dernières années.

Un pic record

L’Observatoire Rénacoq des coqueluches hospitalisées, qui existe depuis 1996 et qui dispose de données précises et fiables concernant les nourrissons hospitalisés pour une coqueluche, rapporte 305 cas pour l’année 2024, contre 293 en 2012 et 285 en 2013. D’autres données de surveillance sont concordantes ; il est cependant plus difficile de faire un état des lieux fiable des cas de coqueluche chez les personnes infectées en ville car ce diagnostic est moins aisé chez un grand enfant ou un adulte qui va souvent présenter une toux plus banale et chez qui on ne fait pas systématiquement de PCR. « Alors qu’auparavant, selon les années et les pics épidémiques, entre zéro et une dizaine de cas de décès par coqueluche étaient rapportés chez le nourrisson, on est monté à 21 décès de nourrissons en 2024, plus 19 cas supplémentaires déclarés chez des personnes adultes âgées. C’est une nouveauté difficile à interpréter avec précision car il n’est pas certain que ces cas survenant chez l’adulte étaient aussi bien déclarés il y a dix ou vingt ans », remarque le Pr Emmanuel Grimprel, en pédiatrie générale et aval des urgences à l’hôpital Trousseau, AP-HP.

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nourrissons sont décédés de la coqueluche en 2024

Si le pic épidémique 2024 était bien attendu, son importance a donc été inhabituelle. « Plusieurs explications à cela : pendant la période de Covid et en raison du confinement, beaucoup d’agents infectieux n’ont pas circulé, d’où un rebond classique », rappelle le Pr Grimprel. En effet, au moment d’un pic infectieux, la bactérie circule intensément, un grand nombre de cas sont recensés et la population en garde une certaine protection. Mais du fait du confinement, cette immunité naturelle n’a pu s’établir, ce qui a permis à la bactérie de recirculer de façon plus importante par la suite et d’atteindre notamment les plus fragiles que sont les nourrissons. « Par ailleurs, nous disposons de vaccins efficaces à 90 %, mais dont la durée d’efficacité est limitée dans le temps à quelques années (environ cinq ans). La circulation de la coqueluche ne peut donc pas être éliminée », note-t-il.

Comment mieux protéger les nourrissons ?

La stratégie de protection actuelle est axée sur la protection du nourrisson, qui doit être vacciné sans tarder, dès deux mois. Elle repose également sur la vaccination de la femme enceinte (en fin de deuxième trimestre et au troisième trimestre) ou à défaut, sur la vaccination de la jeune mère dès la naissance de son bébé, ainsi que la vaccination de tous ceux qui gardent le nourrisson. Un rappel à 25 ans chez les jeunes femmes est bien prévu au calendrier de l’adulte jeune, mais il n’a d’intérêt qu’en cas de grossesse entre 25 et 30 ans.

« La meilleure protection reste la vaccination de la femme enceinte. Elle est bien tolérée et transmet des anticorps protecteurs au bébé : il est alors protégé passivement dès sa naissance, durant ses premiers mois de vie, en attendant d’être vacciné à deux mois et de fabriquer ses propres anticorps », rappelle le spécialiste. Cette stratégie, adoptée en premier par les Britanniques a démontré son intérêt. Elle a été reprise depuis par divers pays Européens dont la France en 2022.

La couverture vaccinale des femmes enceintes commence donc à s’améliorer mais reste insuffisante. Selon les dernières données de l’étude Epi-Phare, elle atteint aujourd’hui 63 %. « Il faudrait avoir 90 % de couverture vaccinale chez les femmes enceintes, avec un taux qui reste stable dans le temps, pour que les nourrissons soient bien protégés et ainsi espérer réduire le nombre d’hospitalisations et de décès chez les tout-petits », déplore le Pr Grimprel.

Il faut intégrer l’idée que les femmes enceintes ont un programme vaccinal

Pr Emmanuel Grimprel

À noter que cela n’empêcherait pas la circulation de la maladie dans la population générale, mais limiterait très significativement le nombre de nourrissons gravement touchés. C’est pourquoi ce message doit passer : « les pédiatres en ont l’occasion lorsqu’ils voient un jeune patient accompagné d’une maman enceinte. Les médecins généralistes, qui voient souvent les femmes en début de grossesse, ont aussi un rôle essentiel car leur parler précocement de la vaccination permet ensuite à ces femmes d’avoir le temps d’y réfléchir, de comprendre que c’est le meilleur moyen de protéger leur nourrisson et de mieux adhérer à l’idée de faire le vaccin pendant la grossesse, insiste le Pr Grimprel. C’est d’ailleurs un enjeu de médecine préventive de faire intégrer l’idée que les femmes enceintes ont un programme vaccinal : contre la grippe, le VRS et la coqueluche (afin de protéger l’enfant) et contre le Covid pour se protéger elles-mêmes. »

Pour qui les antibiotiques ?

Le Haut Conseil de la santé publique préconise de réserver les macrolides à large spectre aux nourrissons les plus fragiles (non vaccinés) afin de limiter la circulation de souches toujours plus résistantes.

D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Grimprel (hôpital Trousseau, AP-HP)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin