Pour prendre en charge un mineur transgenre, il n’y a plus de critère d’âge strict, ce qui n’a pas de cohérence médicale, mais plutôt un critère de maturité, selon le premier texte français tout juste publié à ce sujet (1). « Il est nécessaire de s’appuyer sur une équipe de proximité et/ou travailler en réseau, car la prise en charge doit être pluridisciplinaire avec des endocrinologues, des pédiatres, des médecins généralistes formés, des psychologues et, si besoin, des psychiatres, explique le Dr François Brezin (CHU Strasbourg), premier auteur du texte. Bien que l’évolution se fasse vers la dépsychiatrisation de la prise en charge, un suivi conjoint entre un médecin spécialisé en endocrinologie pédiatrique et un professionnel de la santé mentale (qui peut être un psychologue) est conseillé. La psychiatrie garde une place, car certains jeunes présentent des co-occurences (dépressions, tentatives de suicide, etc.), qu’il faut accompagner. Le relais ville/hôpital peut se faire avec des pédiatres formés à la transidentité, qui se répartissent désormais sur quasiment tout le territoire. Il est possible de s’adresser à la Société française d’endocrinologie pédiatrique pour en avoir la liste. »
Bloqueurs de puberté et hormones
La demande du jeune doit être persistante dans le temps : « il n’y a jamais de prescription lors d’une première consultation. Selon l’âge auquel le jeune est vu, sont proposés soit des bloqueurs de puberté, soit des hormones d’affirmation de genre », indique le Dr Brezin. Ce projet doit être porté par au moins deux professionnels de santé, la décision se prend en réunion collégiale. « Des difficultés se posent en cas d’opposition parentale, car il n’est pas question de prescrire sans l’accord des représentants légaux : c’est d’ailleurs un sujet sur lequel la HAS devra trancher, le risque étant que la prise en charge soit repoussée à la majorité de l’enfant », note le spécialiste.
À ce jour, il n’a pas été identifié de marqueurs prédictifs de remords de s’être engagé dans cette voie. « Les données sont rassurantes chez l’adulte (moins de 1 % détransitionnent). On manque de recul chez les mineurs, il faudra d’autres études. Néanmoins, le gros avantage des bloqueurs de puberté, donnés idéalement en début de puberté, est d’être réversibles et donc de laisser au jeune le temps de la réflexion pour décider ou non de mettre en place une hormonothérapie d’affirmation de genre. Nous leur répétons qu’ils ont le droit de changer d’avis et d’arrêter », explique le Dr Brezin.
Sécurité de la prise en charge
« Chez les adultes, les données de santé à long terme sont rassurantes : il n’y a pas plus de cancers que dans la population générale du sexe ressenti. On manque cependant de données chez les adolescents », note le Dr Brezin.
Alors que chez les adultes, il y a autant de demandes de transition dans les deux sexes, en pédiatrie, on retrouve un peu plus de nées filles qui se ressentent garçons pour des raisons encore mal expliquées. « Quelques pistes : la puberté féminine commence plus tôt, ce qui entraîne une souffrance psychologique plus précoce. Les caractères sexuels secondaires féminins sont plus difficiles à camoufler. La transmasculinité serait mieux acceptée socialement… », propose le Dr Brezin.
« Le fait de leur prescrire de la testostérone va stopper leurs règles, provoquer une mue de la voix, le développement de leur pilosité, une modification de la morphologie osseuse et de la musculature, augmenter la taille du clitoris, sans atteindre celle d’un pénis. La testostérone joue aussi sur l’humeur, ce qui peut nécessiter une réadaptation des doses, souligne le spécialiste. En cas d’arrêt de la testostérone, les règles reviennent, et une fertilité semble possible. Une centaine de cas de grossesse chez des homme trans a même été rapportée dans le monde. Une préservation des gamètes reste néanmoins conseillée. »
Une fertilité semble possible mais l’autoconservation est conseillée
« Chez les nés garçons, la prescription d’œstrogènes entraîne une poussée des seins irréversible et semble plus délétère sur la fertilité, d’où l’intérêt de préserver des gamètes avant la mise en route du traitement. Les bloqueurs utilisés en monothérapie peuvent aussi provoquer des bouffées et des sautes d’humeur transitoires », poursuit le Dr Brezin.
Quant à la chirurgie, les demandes de mammectomies chez les nées filles sont fréquentes. Les génitoplasties ne se font pas avant 18 ans « et tous les jeunes ne vont pas jusque-là. Il y a plus de demandes de vaginoplastie que de phallopoïèse, ce qui peut s’expliquer par des résultats encore imparfaits sur le plan fonctionnel pour ce dernier », note le Dr Brezin.
« Contrairement à ce que l’on entend parfois, nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’effet de mode. Le nombre de consultations est d’ailleurs assez stable, souligne le spécialiste. Nous voyons surtout des ados, très exceptionnellement de jeunes enfants. Nous souhaitons désormais recueillir plus de données sur le devenir à long terme de ces jeunes car le principal recul que nous avons, concerne les adultes. »
D’après un entretien avec le Dr François Brezin, endocrino-pédiatre (CHU Strasbourg)
(1) Brezin F et al. Endocrine management of transgender adolescents: Expert consensus of the french society of pediatric endocrinology and diabetology working group. Arch Pediatr 2024 Nov 16:S0929-693X(24)00176-3
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