Les séquelles des régimes spéciaux

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Publié le 15/07/2022
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Le végétalisme est à la mode. Il séduit de plus en plus de jeunes parents, qui exposent ainsi leurs enfants à de nombreuses carences, dont ils subissent parfois les conséquences tout le reste de leur vie. Il convient d’accompagner ces parents pour mettre en place des compensations.
Il faut manger deux viandes par jour jusqu’à l’adolescence

Il faut manger deux viandes par jour jusqu’à l’adolescence
Crédit photo : phanie

L’engouement pour le végétalisme gagne du terrain d’année en année parmi les jeunes mères qui, même lorsqu’elles sont enceintes, veulent continuer leur régime. « Il ne faut pas les stigmatiser. Elles suivront de toute façon leur régime vegan, sans nous demander notre avis. Il faut bien sûr le leur déconseiller, mais accompagner une femme enceinte qui est décidée. Il faut alors considérer la grossesse comme à risque et compenser par des médicaments ou des nutriments », conseille la Pr Véronique Abadie (Hôpital Necker - enfants malades, Paris).

Carences en fer, calcium, vitamines D et B12

Quant aux nourrissons que les mères nourrissent avec des boissons végétales inadaptées — en remplacement de formules infantiles à base de lait de vache —, ils sont exposés à des complications nutritionnelles sévères, notamment une dénutrition avec déficit de taille et de poids, mais aussi un état convulsif, une anémie, des fractures osseuses spontanées, des perturbations biologiques, etc.

« Si les parents veulent vraiment continuer le végétalisme pour leur nourrisson, on peut leur conseiller des préparations infantiles à base de protéines de riz (Modilac Riz, Novalac Riz), à poursuivre le plus longtemps possible, idéalement jusqu’à au moins l’âge de 6 ans. Bébé M. Riz Bio et Prémiriz Bio ne sont pas conseillés, car ils ne contiennent pas d’acide arachidonique [ARA] », explique le Pr Patrick Tounian (Paris).

Les besoins en fer sont particulièrement élevés chez l’enfant et l’adolescent : 0,7 mg/j de 1 à 6 ans, 1,1 mg/j de 7 à 11 ans et de 1,8 à 2,4 mg/j de 11 à 18 ans. Sa biodisponibilité est 7 à 8 fois plus importante dans les produits carnés que dans les végétaux. C’est pourquoi la Société française de pédiatrie recommande la consommation de deux produits carnés par jour aux enfants et adolescents.

Si la carence martiale est plus fréquente chez les végétaliens, il en est de même pour le calcium, dont les apports sont nettement insuffisants : un enfant ou un adolescent doit consommer de trois à quatre produits laitiers par jour. Une supplémentation est nécessaire lorsque les apports sont inférieurs à 300 mg (un bol de lait). « Le risque de fractures est augmenté chez les végétaliens, mais pas chez les végétariens, qui consomment des produits laitiers », indique le Pr Tounian.

Les carences en vitamine D et B12 sont inéluctables. « En revanche, contrairement à une idée largement répandue, les végétaliens ne sont pas carencés en protéines », signale-t-il. L’importante quantité de végétaux ingérée permet d’éviter les carences en acides aminés essentiels.

Au total, pour compléter l’alimentation de l’enfant, il faut prescrire : du fer (2-3 mg de fer métal, si ferritinémie diminuée), du calcium (500 à 1 000 mg/j, selon l’âge et les apports), de la vitamine D (50 000 UI toutes les 6 semaines), de la vitamine B12 (1 000 µg 3 fois/semaine, > 3 ans) et de la DHA (100 mg/j de microalgues riches en DHA ou 6 c. à café/j d’huile type Quintesens).

Halte à la lipidophobie

Un autre problème majeur observé par les pédiatres depuis quelque temps, est la phobie des lipides, de la part des parents qui en restreignent les apports pour leurs enfants. Or, il s’agit d’une source d’énergie capitale, qui joue un rôle important dans le développement neurocognitif et du système immunitaire du nourrisson.

Il est donc essentiel d’assurer un apport quantitatif et qualitatif optimal en lipides au cours de la première année de vie. Il faut notamment apporter des acides gras essentiels (linoléique et α-linoléique). « Chez l’enfant, contrairement aux idées reçues, le risque de manque de lipides est plus élevé que celui d’excès, souligne la Dr Julie Lemale (Paris). La consommation de lipides est souvent inférieure aux apports recommandés. Les études épidémiologiques suggèrent que la croissance staturopondérale reste satisfaisante tant que les lipides comptent pour plus de 30 % des apports énergétiques totaux. » Par ailleurs, un défaut d’apport quantitatif en lipides peut entraîner un risque de déséquilibre alimentaire, au profit des glucides. « C’est pourquoi le Nutriscore ne doit pas être utilisé en pédiatrie, il n’est absolument pas adapté à l’enfant de moins de trois ans », considère la spécialiste.

Chez l’enfant de 6 à 36 mois, l’allaitement maternel ou une formule infantile enrichie en DHA et ARA est recommandé, puis il faut poursuivre par un lait de croissance, en ajoutant systématiquement de matières grasses dans tous les repas salés (jamais de produits allégés en graisses !). Après un an, il faut consommer du poisson une à deux fois par semaine.

Les indications d’un régime pauvre en graisses sont exceptionnelles chez l’enfant (entéropathies exsudatives, hypertriglycéridémies primitives…).

Exergue : « Le Nutriscore n’est absolument pas adapté à l’enfant de moins de trois ans »

Sessions « Conséquences sur l’enfant des régimes spéciaux » et « Phobie des graisses : points de vigilance »

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin