Le contrôle de l’asthme constitue un problème thérapeutique majeur en Europe. Une enquête portant des patients asthmatiques au cours des cinq dernières années (1) dans cinq pays européens – France, Espagne, Italie, Espagne, Angleterre – a bien montré que la proportion de patients non contrôlés restait stable, s’élevant à 56,6 % en France.
Cette forme clinique d’asthme persistant représente un coût très élevé des dépenses de santé, estimé à 20,65 milliards d’euros par an en Europe. Face à ce constat, les récentes recommandations ATS/ERS sur l’asthme sévère ont précisé sa définition, son évaluation et son traitement afin de mieux le prendre en charge. Elles définissent l’asthme sévère comme une pathologie nécessitant un traitement avec des doses élevées de corticoïde inhalé associé à une autre molécule pour éviter que l’asthme ne devienne ou reste incontrôlé en dépit du traitement. Les raisons qui font que le contrôle reste difficile à obtenir sont certainement multiples. Et, différentes études l’ont montré, l’asthme est une maladie multigénique qui regroupe de nombreux phénotypes cliniques ou physiologiques.
C’est ainsi qu’a été mis en place U-BIOPRED (Unbiased BIOmarkers in PREDiction of respiratory disease outcomes), un consortium européen regroupant les représentants académiques et industriels, autour d’un projet de recherche de grande ampleur qui vise à mieux connaître les différents phénotypes pour pouvoir personnaliser le traitement selon la spécificité de chaque asthme. 1 028 sujets ont été recrutés de janvier 2012 à mars 2013 (729 adultes et 299 enfants). Les adultes ont été divisés en quatre groupes : asthmatiques sévères non-fumeurs (n = 366), asthmatiques sévères fumeurs ou ex-fumeurs (n = 121), asthmatiques non sévères (n = 130) et non asthmatiques (n = 112).
Caractéristiques des patients corticodépendants
Les premières données ont montré que les asthmatiques sévères présentent plus de comorbidités, sont moins observants et ont une qualité de vie très diminuée (anxiété, dépression insomnie…) (2). De nouveaux résultats ont été présentés à l’ERS, notamment une étude sur les patients corticodépendants.
Les patients présentant un asthme sévère ont souvent besoin d’utiliser une corticothérapie orale quotidienne, en plus du traitement corticoïde inhalé. Les auteurs ont souhaité préciser si ces patients recevant des corticoïdes oraux au long cours (corticodépendants) présentaient des caractéristiques cliniques ou des marqueurs inflammatoires spécifiques par rapport à un groupe de sujets non corticodépendants (3).
Les données de 372 patients asthmatiques sévères issus de la cohorte U-BIOPRED, dont 165 (44 %) corticodépendants ont été analysées. Fumeurs et anciens fumeurs pouvaient être inclus. L’asthme sévère était défini selon les critères de l’Innovative Medicine Initiative (IMI) (4).
La prédominance féminine et l’indice de masse corporelle étaient identiques dans les deux groupes, mais le taux d’exacerbations annuelles était plus élevé dans le groupe corticodépendant (3 vs 2/an ; p = 0,001), de même que la prévalence d’une polypose nasale (48 vs 23 % ; p = 0,0003). Le Volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) était aussi diminué de façon significative (63,1 vs 66,4 % ; p ‹ 0,05).
Le pourcentage de neutrophiles sanguins était plus élevé et celui des éosinophiles plus bas dans le groupe corticodépendants.
L’évaluation de la composante inflammatoire était faite par l’analyse de l’expectoration induite et la mesure du monoxyde d’azote dans l’air expiré. Dans l’expectoration induite, le pourcentage élevé de polynucléaires éosinophiles n’était pas significativement différent dans les deux groupes (5,2 vs 2 % ; p = 0,063), mais le taux de macrophages était plus bas dans le groupe corticoïdes oraux (13,9 vs 27,8 % ; p = 0,01).
Les patients traités par corticoïdes au long cours avaient un pourcentage d’éosinophiles plus élevé dans les expectorations, mais plus bas dans le sang. Une augmentation de l’asthme de type granulocytaire mixte a été observée dans le groupe corticodépendant (26 vs 8 %), alors que l’asthme de type paucigranulocytique était diminué (10 vs 31 %).
Sans surprise, le NO mesuré dans l’air expiré était plus élevé dans le groupe corticoïdes oraux (30 ppm vs 22 ppm, p = 0,001). Ces résultats préliminaires montrent que les asthmatiques corticodépendants sont surtout des patients plus sévères avec des biomarqueurs inflammatoires plus élevés, et une moindre sensibilité aux effets bénéfiques des corticoïdes, caractérisés par l’analyse de l’expectoration par un type d’asthme éosinophilique et neutrophilique. Des analyses ultérieures sont nécessaires afin de mieux définir les différents phénotypes.
D’après les communications de KF Chung et Bel.
(1) European National Health and Wellness survey
(2) Chung KF. Deep asthma phenotyping : the need to collaborate in Europe.
(3) Sousa AR. Characteristics of the adult corticosteroid-dependent severe asthma in UBIOPRED consortium. Abstract n°4858
(4) Bel et al. Thorax 2011;66:910-17
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