Une toux chronique réfractaire correspond à une symptomatologie qui dure depuis au moins 8 semaines et pour certaines, on ne retrouve pas de cause évidente, ni de traitement efficace. « Les toux chroniques résistantes au traitement représentent un problème en consultation mais leur fréquence est difficile à évaluer… », explique le Dr Roger Escamilla (pneumologue Hôpital Larrey, CHU de Toulouse).
La première cause évidente, est le tabagisme et ses pathologies associées (BPCO). Un asthme ou un reflux gastro-œsophagien (RGO) peuvent être révélés par une toux tenace sans aucun autre symptôme associé. « Dans 30 % des cas environ, la toux est la seule manifestation d’un reflux gastro-œsophagien », souligne le Dr Roger Escamilla. Une autre grande cause de toux chronique relève de l’ORL : c’est la rhinite ou la sinusite chronique, responsable d’un jetage postérieur. Des troubles de la déglutition peuvent également en être responsables. Une cause iatrogène doit toujours être recherchée à l’interrogatoire. Il n’y a pas que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) qui font tousser. « N’importe quel médicament peut en être responsable : il peut y avoir une sensibilité individuelle ou un effet secondaire encore inconnu. Dans ce cas, le lien de temporalité est important à mettre en évidence », déclare le Dr Roger Escamilla.
La toux chronique peut aussi s’inscrire dans le tableau clinique d’une maladie de système tel que le syndrome de Gougerot Sjögren et quelquefois, la toux peut très bien être dissociée de l’évolution de la maladie. La question se pose alors de l’utilité du renforcement du traitement de la maladie… Enfin, parmi les étiologies plus récemment mises en évidence, il y a l’obésité et le syndrome d’apnée du sommeil, en particulier chez la femme obèse.
Une stratégie empirique
Si aucune étiologie n’est retrouvée, on peut alors adopter une stratégie empirique. C’est ainsi que l’on peut tester la possibilité d’un RGO, en prescrivant des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) à forte dose pendant 3 mois.
En cas de suspicion de rhinorrhée chronique postérieure, il est possible de faire un traitement d’épreuve par un vasopresseur nasal et un antihistaminique de première génération, mais en l’absence de symptômes ORL, cela est discutable.
« Dans le cas d’un asthme, la toux peut ne pas répondre aux corticoïdes inhalés et on peut alors faire un test aux corticoïdes par voie orale », ajoute le Dr Roger Escamilla. Quant aux examens à réaliser au niveau pulmonaire, il n’y a pas de réel consensus. Un scanner thoracique sans injection par exemple peut être intéressant, pour rechercher une étiologie non visible à la radio comme une dilatation des bronches ou plus grave un cancer.
Un test à la méthacholine peut aider à diagnostiquer un asthme mais son interprétation doit être intégrée au tableau clinique. Enfin, la mesure du NO exhalé est intéressante car elle permet d’évaluer l’inflammation éosinophilique.
Un nouveau concept : l’hypersensibilité
Mais certaines toux chroniques ne répondent à aucun traitement. Il faut alors penser au « cough hypersensitivity syndrome » caractérisé par une toux sèche, réfractaire, très gênante. Il s’agit d’une hypersensibilité du réflexe tussigène déclenchée par certains facteurs bien décrits : un changement de température ambiante, des odeurs fortes, un parfum, des aliments épicés, du chocolat…
Les patients se plaignent d’une sensation de boule ou d’irritation au fond de la gorge. « En termes de physiopathologie, on évoque le même modèle que dans la fibromyalgie : la toux serait provoquée par un abaissement du seuil du réflexe tussigène comme celui de la douleur dans la fibromyalgie. La toux est alors considérée comme une neuropathie sensitive », explique le Dr Roger Escamilla. Les récepteurs Transient Receptor Potential (TRP) qui sont surexprimés dans les voies aériennes des tousseurs chroniques auraient un rôle important. Les antitussifs sont souvent inefficaces.
Les neuromodulateurs, la gabapentine ou encore l’amitriptyline ont montré leur efficacité. Les petits moyens tels que les pastilles au menthol peuvent se montrer utiles par leur petit effet anesthésiant local. Les méthodes alternatives (sophrologie, hypnose, psychothérapie…) peuvent être essayées. Les facteurs psychologiques jouent un très grand rôle. Il faut aider le patient par tous les moyens car cette toux chronique à un impact important sur sa qualité de vie : le patient est souvent désocialisé, il n’ose plus sortir au restaurant, au théâtre…
Une rééducation comportementale est utile pour apprendre au patient à respirer et à moduler son réflexe tussigène.
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