Les kinases sont des enzymes capables d’ajouter un groupement phosphate au niveau des acides aminés situés au sein d’une protéine, le plus souvent en position sérine, thréonine ou tyrosine. La kinase JAK (Janus Activated Kinase) est une tyrosine kinase qui comporte 4 isotypes différents : JAK1, JAK2, JAK3 et Tyk2. Les JAK sont activées après la liaison entre la cytokine (ex : IL-6) et son récepteur et induisent une dimérisation du facteur de transcription STAT qui peut, sous cette forme phosphorylée, traverser la membrane nucléaire et activer la synthèse de protéines de l’inflammation. Le tofacitinib, un inhibiteur sélectif de JAK1 et JAK3, a obtenu une autorisation de mise sur le marché au Japon, aux États-Unis, en Suisse et en Russie, et peut être envisagé dans ces pays en cas d’échec au méthotrexate (MTX). En Europe, le comité des médicaments à usage humain (EMA) a donné un avis négatif et a refusé l’autorisation de mise sur le marché du tofacitinib dans les pays de l’Union Européenne. Ce refus a été motivé par le risque et le type d’infections sévères observées avec le tofacitinib et l’incertitude sur d’autres effets indésirables rapportés dans les essais cliniques. D’autres inhibiteurs des JAK sont en cours de développement pour le traitement de la PR.
Baricitinib et adalimumab versus placebo
Le baricitinib est un inhibiteur oral sélectif de JAK2 et JAK1. Dans l’essai de supériorité RA-BEAM,
le baricitinib et l’adalimumab ont été comparés au placebo durant les 24 premières semaines et ont été également comparés entre eux. Les patients inclus devaient avoir une PR active (NAD et NAG≥6 et CRP≥6 mg/L), érosive, traitée avec une dose stable de méthotrexate (MTX 15 mg / semaine en moyenne), naïve de biomédicament. Les 1 305 PR ont été randomisées dans le groupe placebo + MTX (n = 488), baricitinib 4 mg/j en une seule prise + MTX (n = 487) ou adalimumab 40 mg /2 semaines + MTX (n = 330) et suivies sur une durée totale de 52 semaines. À 16 semaines, les patients non répondeurs sur l’ACR20 recevaient du baricitinib. Les pourcentages de patients qui sont arrivés au terme de l’étude à 24 semaines étaient respectivement de 89 %, 94 % et 93% pour les groupes placebo, baricitinib et adalimumab. L’âge moyen des patients était de 53 ans ; la durée moyenne d’évolution de la maladie était de 10 ans, 88 % des patients avaient une PR avec présence d’anticorps anti protéines citrullinées et l’activité de la maladie était élevée avec un DAS28-VS moyen de 6,4. Sur le critère de jugement principal, les taux de répondeurs ACR 20 à 12 semaines dans les groupes baricitinib et adalimumab étaient supérieurs au groupe placebo : respectivement 70 %, 61 % et 40 %. Les résultats démontrent également une supériorité du baricitinib sur
l’adalimumab pour les critères ACR 20, 50 et 70 et pour les critères d’activité CDAI, SDAI et le DAS28-CRP ≤ 3,2. L’évaluation structurale à S24 et à S52 confirme une moindre progression radiographique évaluée par le score de Sharp modifié van der Heijde (mTSS : modified Total Sharp Score), pour les patients sous baricitinib et adalimumab, et sans différence significative entre ces 2 derniers pour le score de Sharp total. Ainsi à 52 semaines, la progression du score de Sharp était de 1,80 dans le groupe placebo, 0,71 avec le baricitinib et 0,60 sous adalimumab.
Le profil d’effets secondaires à 3 et 6 mois était globalement comparable dans les groupes baricitinib et adalimumab. À 6 mois, les taux d’infections sévères étaient de 1,4% dans le groupe placebo, 1 % pour le baricitinib et 0,6 % pour l’adalimumab, avec un cas de tuberculose avec cet anti-TNF. Deux décès ont été observés à 24 semaines sous baricitinib suite à un ulcère duodénal hémorragique et à une pneumopathie infectieuse ; aucun décès n’a été enregistré dans les deux autres groupes de traitement.
Commentaires du Pr Jacques Morel
L’essai RA-BEAM a marqué les esprits lors du congrès de l’ACR à San Francisco. En effet, pour la première fois une petite molécule administrée en une prise quotidienne par voie orale, le baricitinib, a montré une efficacité supérieure à un anti-TNF dans la PR établie active malgré du MTX.
Si les données de tolérance se confirment, le baricitinib pourrait occuper une place de choix dans l’éventail des traitements disponibles dans la PR.
(1) Taylor PC et al. Abstract LB2
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