Le « syndrome de renutrition inappropriée » (SRI) est un ensemble d’anomalies biologiques et cliniques survenant lors de la réalimentation de patients dénutris ou ayant subi un jeûne prolongé. Il a été initialement décrit lors de la 2e guerre mondiale.
La Société américaine de renutrition clinique en a récemment établi les critères de gravité : une diminution des taux sériques de phosphore, de potassium et/ou de magnésium de 10 à 20 % dans les formes légères, de 20 à 30 % dans les formes modérées, et de plus de 30 % dans les formes graves, associées, ou non, à des défaillances d’organes du fait de la baisse d’un de ces électrolytes ou en raison d’une carence sévère en thiamine. Le SRI peut survenir quelle que soit la voie d’administration de l’alimentation mais les formes sévères sont plus souvent le fait de la renutrition parentérale, avec une mortalité de 17 à 38 %.
Hypophosphorémie et troubles glucidiques
Le SRI survient généralement dans les 5 jours suivant l’augmentation substantielle de l’apport énergétique. Lors de la renutrition, les apports caloriques entraînent une réactivation du métabolisme des glucides et, lorsque l’apport est important, l’hyperglycémie génère une sécrétion brutale d’insuline. Celle-ci provoque l’entrée massive du glucose et des électrolytes dans le milieu intracellulaire, d’où une hyperhydratation du milieu extracellulaire. S’y ajoute une possible rétention hydrosodée liée à l’action antidiurétique de la charge glucidique et une chute de la vitamine B1, consommée par la relance du métabolisme du glucose et des micronutriments.
« L’hypophosphorémie peut être à l’origine de troubles graves neurologiques, cardiaques, hépatiques, neuromusculaires, respiratoires, etc. De même, l’hypokaliémie et hypomagnésémie peuvent s’associer à une grande variété de symptômes potentiellement graves qui peuvent entraîner le décès », insiste le Dr Thomas Mouillot (CHU de Dijon).
Rechercher les facteurs de risque
Pour prévenir le SRI, il faut en connaître les facteurs favorisants, ce qui ne doit pas pour autant retarder la renutrition. Les personnes sont à risque en présence d’un facteur majeur (IMC < 16, perte de poids > 15 % en 3 à 6 mois, diminution ou absence de prise alimentaire pendant 10 jours, taux de P, K et Mg bas avant la reprise alimentaire) ou de deux critères mineurs (IMC < 18,5, perte de poids > 10 % en 3 à 6 mois, diminution ou absence de prise alimentaire pendant 5 jours, antécédent d’abus d’alcool, traitements par insuline, chimiothérapies, IPP, diurétiques), mais aussi de nombreuses pathologies comme les pathologies mentales, la prise de drogues, l’immunosuppression, les complications postopératoires en particulier digestives, la malabsorption, le jeûne prolongé, etc. : « c’est-à-dire peu ou prou les mêmes critères que ceux permettant de dépister la dénutrition ! [1] », concède le spécialiste
Pour les dépister, on préconise, en plus de la clinique, de surveiller l’ECG et le bilan biologique (ionogramme sanguin et urinaire, créatinine, urée, glycémie, fonction hépatique) dès le début de la réalimentation.
Supplémentation et progressivité
Chez les patients à risque modéré ou sévère, on propose une supplémentation en vitamine B1 (100 à 200 mg pendant 5 à 7 jours), ainsi qu’une supplémentation en multivitamines et oligoéléments IV en cas de nutrition parentérale exclusive. La supplémentation en électrolytes sera adaptée à la carence. Pour limiter le risque d’œdèmes, les apports hydriques seront contrôlés, soit 40 ml/kg/jour pour des besoins normaux, mais qui peuvent être baissés jusqu’à 20 ml/kg/jour en cas de rétention hydrosodée.
La réalimentation doit être progressive, avec une augmentation des apports de 33 % toutes les 48 heures en l’absence de complications ; l’apport initial de glucose se limite à 1 à 1,5 g/kg/j ou 10 à 15 kcal/kg/j de l’apport calorique initial, l’objectif étant d’atteindre 30 à 35 kcal/kg/j avec 1,2 à 1,5 g/kg/j de protéines (2,2 g/kg/j au maximum pour éviter une insuffisance rénale).
La surveillance clinique et biologique est quotidienne pendant 5 jours, régulière sur deux semaines, jusqu’à obtention des objectifs alimentaires et pondéraux. Après la renutrition, le patient doit être revu une fois par semaine pendant 3 mois s’il a dû être hospitalisé, en particulier s’il est atteint de pathologie chronique.
exergue : Le risque de SRI ne doit pas pour autant retarder la renutrition
Session plénière, Situations fréquentes en médecine interne (1) HAS, Diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte, recommandations pour la pratique clinique, novembre 2019
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/reco277_re…
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