Chez la personne âgée, la prise en charge d’une impériosité ou d’une incontinence est essentielle pour éviter à plus ou moins long terme une dépendance. En effet, différents événements mènent au point de rupture faisant basculer le patient vers la perte d’autonomie, mais la comorbidité propre à chaque patient joue aussi un rôle. Le cas le plus « classique » est une fracture de hanche provoquée par une chute chez un patient souffrant de nycturie. En cas de polypathologie, une incontinence amenant à porter des couches risque de précipiter la personne âgée vers une désocialisation, voire une institutionnalisation. « Le virage s’établit quand le patient est considéré comme au-delà de toute ressource thérapeutique, avec comme seule solution le port de couches. S’opère alors un abandon du personnel soignant vis-à-vis du patient, et de ce dernier vis-à-vis de son état considéré comme inéluctable », détaille le Pr Gérard Amarenco, chef de service de neuro-urologie à l’hôpital Tenon, AP-HP. Pour éviter cet écueil, après quelques explorations complémentaires, il ne faut pas hésiter à référer ces patients pour une prise en charge adaptée.
Phénomènes intriqués
Ce spécialiste rappelle que l’incontinence urinaire est un symptôme, non une maladie en soi, ni une fatalité du vieillissement. En clair, il est important d’identifier son étiopathogénie en rapport avec une maladie neurologique débutante, un processus démentiel, une compression cervicale, une pathologie mécanique d’origine prostatique, etc. « Chez la personne âgée, les troubles vésico-sphinctériens et ano-rectaux sont très intriqués. L’illustration type est le patient admis aux urgences pour rétention d’urine qui se résout en évacuant un fécalome, alors qu’un problème de prostate est a priori évoqué », explique le Pr Gérard Amarenco.
La difficulté est aussi liée à l’association de différents facteurs pathologiques parfois couplés à des facteurs iatrogènes pouvant modifier l’équilibre vésico-sphinctérien.
Recos européennes
La prise en charge dépend de la pathologie identifiée. Le traitement de l’incontinence urinaire est souvent spécifique chez les seniors. Ainsi, en cas d’hyperactivité vésicale, les anticholinergiques ne sont pas appropriés, indiquent les recommandations européennes de 2017 de l’International Consultation on Urological Diseases/International Continence Society (disponibles sur le site du Grapppa – lire encadré) concernant l’incontinence urinaire chez les personnes âgées fragilisées.D’ailleurs, aujourd’hui, ce type de traitement est un peu la bête noire à débusquer chez les seniors. En gériatrie, beaucoup de médicaments aux propriétés anticholinergiques (antipsychotiques, furosémide…) sont prescrits, exposant les patients à un risque de rétention urinaire, de confusion ou de chutes. Sur Internet, il est possible de calculer la charge anticholinergique via des échelles comme l’Anticholinergic Drug Scale (ADS). En cas d’hyperactivité vésicale chez le senior, l’alternative thérapeutique peut être un bêta-3 agoniste adrénergique, le mirabégron, malheureusement non remboursé. Attention aussi à éviter la desmopressine chez la personne âgée souffrant de nycturie, au risque d’engendrer une hyponatrémie.
Pour le Pr Amarenco, « aucune piste ne devra être écartée. Un comportement mictionnel peut s’éduquer par des mesures environnementales, comme un objet connecté signalant régulièrement au patient d’aller uriner, en cas d’altération du besoin ou même d’hyperactivité vésicale ». En cas d’adaptation des comportements autour de la miction ou de l’hydratation, le patient doit être informé, ainsi que les proches et les aidants. à un stade ultérieur, l’intervention de professionnels de santé est nécessaire, comme celle de l’infirmière effectuant un sondage au kinésithérapeute pour apprendre l’auto-rééducation, ou du gynécologue qui prescrit un œstrogène vaginal pouvant améliorer certaines incontinences. On peut aussi envisager l’injection de toxine botulique, d’acide hyaluronique ou une chirurgie mini-invasive.
Pour en savoir plus
Des informations complémentaires et des recommandations sont accessibles sur le site du Grapppa. Ce groupe de recherche appliquée à la pathologie pelvi-périnéale des personnes âgées – multidisciplinaire –, est à l’origine de nombreuses publications. Il a pour principaux objectifs d’optimiser la prise en charge de ces patients, notamment en déterminant des algorithmes décisionnels et en élaborant des parcours de soins.
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