Après 65 ans, une personne sur trois souffre de douleurs ostéoarticulaires. En plus d’un fond de souffrance chronique, des poussées aiguës risquent de précipiter vers la perte d’autonomie. En cabinet, le danger serait de banaliser ou de négliger les souffrances d’origine ostéoarticulaire, insiste le Dr Françoise Capriz, gériatre au pôle réhabilitation-autonomie-vieillissement du CHU de Nice : « Quelle que soit l’origine de la douleur, elle doit être soulagée rapidement, avant qu’elle n’entraîne le patient dans un confinement domiciliaire, marqueur fort de vulnérabilité accrue, de perte d’autonomie, de troubles dépressifs et mode d’entrée dans les troubles neurocognitifs. »
Le traitement antalgique chez la personne âgée n’est jamais figé, et il faut savoir proposer des solutions en plus du traitement de fond pour que le patient sache gérer un épisode aigu. Ces poussées douloureuses sont souvent liées à un facteur inflammatoire dans l’arthrose, les chondrocalcinoses, des pathologies associées comme les tendinopathies ou une fracture/tassement d’origine ostéoporotique.
Les douleurs peuvent être mixtes, avec une participation neuropathique, dans les sciatalgies sur arthrose lombosacrée ou après une fracture vertébrale (liée à une ostéoporose ou une autre étiologie) par irritation des racines lombaires. Elles répondent mal aux traitements classiques, y compris morphiniques, et exposent à une ascension excessive des doses sans soulagement réel du patient.
Le choix des antalgiques repose sur l’identification du mécanisme de la douleur et se réfère à la classification de Lussier et Beaulieu qui a l’avantage de les trier selon leur mode d’action. Elle a été proposée en 2010 par l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP).
On peut ainsi choisir la ou les molécules adaptées pour prescrire un traitement sur mesure. Chez les plus âgés, on est souvent limité par la polymédication. Aussi, doit-on suivre l’adage « lorsque j’introduis un traitement chez une personne âgée, j’en enlève deux ».
Prudence et titration
La crainte des effets secondaires limite la prescription d’antalgiques chez un senior. Il ne faut ni lui couper l’appétit, ni le sédater dans la journée, ni l’exposer à une iatrogénie inutile. « Prendre en charge la douleur chez la personne âgée doit toujours faire évaluer le rapport bénéfice/risque, sous l’angle de la fonctionnalité et du risque de perte d’autonomie qui peut mettre en jeu le pronostic vital », rappelle le Dr Capriz.
Aucun traitement n’est anodin, même le paracétamol, et la règle des 3 g par jour n’est valable que chez une personne de plus de 50 kg, avec une bonne clairance de la créatinine et jamais au long cours avec une dose immuable. Il faut préférer une titration, même pour les opiacés faibles, les besoins des seniors étant inférieurs aux dosages mis à notre disposition.
La forme pédiatrique
Ainsi pour le tramadol, les gériatres préfèrent recourir à la forme pédiatrique en gouttes, plus facile à adapter. Les associations d’antalgiques sont souvent nécessaires dans les douleurs mixtes, mais sans jamais introduire deux molécules en même temps, sous peine de ne pas savoir à laquelle attribuer d’éventuels effets indésirables, ce qui peut constituer une perte de chance pour le patient. On prescrit alors par exemple un antalgique avec un antidépresseur IRSNA ou un antiépileptique.
On est particulièrement prudent avec les AINS, surtout en cas de détérioration de la fonction rénale. Ils ne sont pratiquement jamais prescrits en première ligne et jamais au-delà de trois jours. Pour limiter la poussée inflammatoire d’une chondrocalcinose, on envisagera plutôt la colchicine à petite dose si la fonction rénale le permet, indique le gériatre. Lorsque la douleur concerne les petites articulations, des AINS en topiques locaux, des patchs, des emplâtres ou l’application de froid et de chaud, peuvent être recommandés.
L’antalgie non médicamenteuse
Le patient doit savoir qu’on ne supprimera jamais complétement sa douleur, mais qu’il va apprendre à la gérer et la rendre supportable. à côté des médicaments, d’autres thérapies doivent être privilégiées. La kinésithérapie agit par son action antalgique mais aussi parce qu’elle réinstaure un contact humain pour des personnes qui en manquent très souvent. Il faut leur réapprendre « à bouger pour diminuer la douleur », ce qui signifie aussi les interroger sur leur motivation et la qualité des apports nutritionnels. Une psychothérapie de soutien permet de travailler sur ce qu’il peut attendre raisonnablement du soulagement de la douleur.
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