L’intelligence artificielle n’est pas l’apanage des grands noms américains comme Watson (IBM) ou DeepMind (Google). Elle est au contraire « l’affaire de tout le monde », comme le déclarait début septembre au « Monde » le député-mathématicien Cédric Villani, fraîchement désigné par le gouvernement pour conduire une mission sur le sujet. Les startups françaises du domaine de la santé n’ont d’ailleurs pas attendu le feu vert du parlementaire-vedette pour afficher leurs ambitions en la matière.
L’ECG pour les nuls
Exemple avec Cardiologs, entreprise de la capitale qui entend aider les médecins à lire les électrocardiogrammes (ECG). La différence avec les autres logiciels proposant des services similaires ? La technologie. « Nous avons une base de plus de 600 000 ECG, explique Yann Fleureau, président de la startup. Avec elle, nous avons entraîné une technologie de deep learning à reconnaître des problèmes comme la fibrillation atriale. »
Pour l’instant, Cardiologs a décidé de se focaliser sur le monitoring ambulatoire, qui nécessite des enregistrements du rythme cardiaque sur plusieurs jours. « Relire toutes ces données prend énormément de temps », constate l’entrepreneur. Il propose donc aux médecins d’envoyer leurs fichiers d’ECG sur un service web spécifique, et de recevoir le diagnostic de la machine. Et ce avec beaucoup moins de faux-positifs que dans le cadre d'une technologie classique, assure Yann Fleureau.
« Nous n’avons pas vocation à remplacer le médecin, nous sommes là pour l’aider à faire les choses plus vite et à voir plus de choses », se défend l’entrepreneur. Cardiologs n’est pour l’instant disponible qu’en version beta, mais son président indique que les cardiologues peuvent d’ores et déjà le contacter, et envisage un vrai début de commercialisation pour le début de l’année 2018.
Les pdf de l’ANSM digérés
Autre domaine, autre technique. Synapse est une startup bordelaise qui vise à faciliter la prescription. Entre les nouvelles molécules et les problèmes d’interactions médicamenteuses, le praticien n’a pas toujours le temps ou les moyens de se mettre à jour, remarque le Dr Clément Goehrs, cofondateurs de l’entreprise. « Or l’information est là, mais elle se trouve dans des pdf de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) longs comme le bras », ajoute-t-il.
D’où l’idée de Synapse : faire lire cette masse de connaissances à une machine, et en tirer une base que le praticien peut interroger en langage naturel au moment de la consultation. « Notre technologie marche sur de la reconnaissance de texte et de patterns, un peu comme Watson », explique Clément Goehrs. L’application est actuellement en beta-test auprès d’une dizaine de médecins du CHU de Bordeaux. « Nous sommes focalisés sur la recherche et développement, et nous avons la chance de bien avancer », se réjouit Clément Goehrs. Celui-ci se refuse toutefois à communiquer une date de mise sur le marché. « Je ne préfère pas créer d’attentes », sourit-il.
L’algorithme et le TGV
Des attentes, une startup comme la parisienne Owkin ne craint pas d’en soulever. « Notre objectif est de créer des technologies d’intelligence artificielle, notamment dans le domaine du cancer, pour prédire l’efficacité des traitements », annonce son cofondateur, Gilles Wainrib. Owkin utilise des données d’imagerie, de biologie et des données textuelles. Elle travaille en collaboration avec l’Institut Curie de Paris et le centre Léon Bérard de Lyon, et entend mettre l’accent sur l’un des grands enjeux de l’intelligence artificielle : la sécurité des données.
« Notre modèle consiste à installer des serveurs dans les hôpitaux, et à ne jamais faire sortir les données des établissements, insiste Gilles Wainrib. Nous mutualisons les données sans qu’elles se rencontrent. » Bien sûr, il ne s’agit pas de prendre une clé USB et de la faire voyager en TGV entre Paris et Lyon, plaisante l’entrepreneur, mais il assure qu’Owkin arrive « au même résultat que si les données étaient rassemblées au même endroit ».
Comme Synapse et Cardiologs, Owkin affirme être dans une phase de test : Gilles Wainrib prévoit une sortie sur le marché dans un peu moins d’un an. Pour l’instant, l’outil est expérimenté par une dizaine de praticiens. Reste qu’à l’allure où vont les choses dans le domaine de l’intelligence artificielle, le paysage est susceptible d’avoir changé d’ici là.
Article précédent
Le big data made in France
Article suivant
La nanomédecine grossit
Ces mécaniques high-tech qui vont nous réparer
Les maths au secours de la recherche clinique
Quand les robots opéreront seuls
Le big data made in France
On révolutionne la médecine près de chez vous
La nanomédecine grossit
Le projet CERVO revisite la chirurgie éveillée
Le charme discret de la physique des tissus mous
Les diagnostics des sciences sociales sur les évolutions de la médecine
Cellectis « dresse » des cellules pour combattre les cancers
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes