L’histoire des lobbies anti-vaccinaux est vieille comme les vaccins. Mais en France, ce sont deux campagnes de vaccination qui ont surtout échauffé le climat de défiance sanitaire et inoculé le poison antivax : la campagne vaccinale contre l’hépatite B, lancée en 1994 dans les écoles par Philippe Douste-Blazy et suspendue en 1998 par Bernard Kouchner. Et la campagne de 2009-2010 contre la grippe H1N1, avec ses 94 millions de doses d’un vaccin expérimental, commandé au prix fort de 2,2 milliards d’euros.
La première a été soupçonnée d’augmenter le nombre des cas de sclérose en plaques (plus d’un millier selon les activistes anti-vaccination), soupçon qui ne repose sur aucune donnée scientifique, rappelle le Pr Brigitte Autran.
La seconde a été marquée par « la gestion absolument catastrophique d’une fausse pandémie, note le Dr Christian Lehmann, avec l’éviction des médecins traitants, cette campagne a fait peur aux gens pour rien et elle les a fait durablement reculer par rapport aux vaccins. »
Des contestations à l'origine d'une perte de confiance
D’autres épisodes ont entretenu un bruit de fond de contestation et accentué cet infléchissement de la confiance : la mise en doute de l’efficacité du vaccin Gardasil et les risques potentiels graves qui lui sont imputés ; la neurotoxicité des adjuvants à base d’oxyhydroxyde d’aluminium, suspectés de provoquer le développement de la myofasciite à macrophages chez certains patients, à partir de travaux seulement menés chez la souris ; l’alerte sur la présence d’une vingtaine de neuroparticules métalliques (chrome, tungstène, baryum, silicium…) détectées dans des vaccins courants et qui provoqueraient, selon l’eurodéputée et biologiste Michèle Rivasi, maladies cardio-vasculaires, infarctus et AVC ; les ruptures de stocks durables de vaccins usuels et quotidiens depuis 2015.
Enfin, souligne l’économiste de la santé Claude Le Pen, « n’oublions pas que le vaccin est un médicament et qu’il est rattrapé par toutes ces affaires qui éclatent semestre après semestre, Mediator, Isoméride, Distilbène, Vioxx et autres ».
Tous ces sujets éclipsent dans les médias des alertes épidémiologiques sérieuses : entre septembre 2010 et septembre 2011, l’incidence de la rougeole est passée d’un taux inférieur à 1 pour 100 000 à plus de 30 pour 100 000 en Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, causant 1 500 cas de séquelles neurologiques et 10 morts. Plus de 50 cas de rougeole ont été déclarés en 2016 en Moselle avec deux encéphalites et sept pneumopathies graves. Le tableau européen n’est pas moins inquiétant.
Le nombre des cas de rougeole a doublé en 2008 par rapport à 2007, avec 91 % des cas qui n’étaient pas (ou pas suffisamment) vaccinés. En Italie, l’épidémie de 2017 a contaminé 4 500 enfants et tué trois d’entre eux, tout trois non vaccinés. En Roumanie, l’OMS enregistre 7 000 cas ayant entraîné 31 décès entre janvier 2016 et juin 2017.
Trump champion antivax
Pour autant, la guerre de la vaccination fait rage dans le monde. Aux États-Unis (50 États avec obligation vaccinale, 48 avec autorisation d’exemption philosophique ou religieuse), Donald Trump se fait le champion des anti-vaccins. « Je n’ai jamais été vacciné contre la grippe, tweete le président. Et jusqu’à présent, je ne l’ai jamais eue. Je n’aime pas l’idée d’injecter des trucs malsains dans le corps. Et c’est essentiellement ce qu’ils font. » Depuis dix ans, il répète qu’un lien existe entre vaccins et autisme.
En Italie, où le faible taux de couverture vaccinale a conduit le gouvernement à adopter l’été dernier un décret-loi rendant obligatoire dix vaccins pour que les enfants soient autorisés à entrer en crèche ou à la maternelle, la fronde des no-vax provoque des manifestations et des frondes régionales en Vénétie, Emilie-Romagne et Lombardie.
Mais c’est en France que les no-vax rallient le plus de suffrages. 41,5 % de la population se déclarait en 2016 hostile à une ou plusieurs vaccinations (baromètre 2016 de Santé publique France publié dans le BEH). Et c’est pour enrayer l’emballement du phénomène que le gouvernement décide de lancer une « grande concertation citoyenne ». Le débat démocratique et scientifique peut-il renverser la donne ?
(A suivre)
* Coqueluche, Haemophilus influenzae b, hépatite B, méningocoque C, pneumocoque, rougeole, oreillons et rubéole, qui s’ajoutent aux trois vaccins déjà obligatoires, diphtérie, tétanos et poliomyélite.
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