Bataille de la vaccination : le feuilleton

Les antivax crient au diktat (3/5)

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Publié le 27/12/2017
vaccins 3

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Crédit photo : S. Toubon

Dans un feuilleton en cinq épisodes, « Le Quotidien » retrace la genèse de cette polémique et lui imagine un épilogue. Ce scénario, qui mêle réalité et fiction, est étayé par les analyses des experts scientifiques, spécialistes du droit et de l’éthique, responsables des syndicats de médecins et des associations de patients, à qui nous avons demandé de commenter a posteriori ces évènements. Qu’ils soient tous remerciés pour leurs contributions à cet exercice un peu particulier.

« La concertation publique pour favoriser la sensibilisation et l’exigence de mobilisation pratique des citoyens n’a pas permis de constituer des relais de proximité sur lesquels adosser la politique vaccinale », constate Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace Éthique de l’AP-HP. Pour le dire plus crûment, Marisol Touraine a transmis la patate chaude à Agnès Buzyn.

La nouvelle ministre tranche sans mollir : à peine nommée, elle annonce au « Parisien » le 16 juin qu’elle va rendre obligatoires onze vaccins destinés aux enfants. « Il y a des fois où l’obligation est une bonne chose pour permettre à la société d’évoluer », explique-t-elle, en annonçant un tournant majeur dans la politique vaccinale en France. Dont acte, pour l’obligation – pas forcément pour l’évolution sociétale.

Le 4 juillet, le Premier ministre, Édouard Philippe, confirme dans son discours de politique générale que le gouvernement va porter à onze le nombre des vaccins obligatoires, à partir du 1er janvier 2018. La mesure est inscrite sous la forme d’un « cavalier » dans le PLFSS (article 34) et elle est adoptée en première lecture à l’Assemblée le 27 octobre. Les communistes et les Insoumis, s’abstiennent et critiquent « la précipitation » du gouvernement à légiférer.

Les opposants mobilisés

Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, dénonce les liens du Premier ministre avec Sanofi et s’exclame : « Est-ce l’autorité politique qui gouverne, ou les multinationales ? » Il vote contre, de même que Marine Le Pen. La présidente du FN en remet une couche lors de l’Émission politique, sur France 2 : « Il n’y a pas eu de campagne d’information en France, regrette la présidente du FN. La France est un pays polytraumatisé par rapport aux scandales sanitaires, Mediator ou Dépakine. Tout ce que je demande, c’est que l’on mène un processus d’explication pour rassurer les Français, plutôt que trancher brutalement, au travers d’une loi de finances. »

Autre opposante, l’élue LREM (République en marche), Blandine Brocard, demande la suppression de l’article 34, au motif qu’« on contraint, mais on ne convainc pas. Il faut un délai de quelques mois pour rétablir la confiance », plaide-t-elle. En vain.

« La concertation a eu lieu en 2016 sous l’égide du précédent gouvernement et il est temps d’agir », lui rétorque la ministre qui a reçu le soutien d’une quarantaine de sociétés savantes et qui dénonce ceux qui « vivent à l’ère de la post-vérité ».

« Déni de démocratie ».

En deuxième lecture à l’Assemblée, le 29 novembre, l’article 34 déclenche les foudres de l’insoumis François Ruffin : « Qu’a-t-on eu comme documents, rapports, statistiques pour pouvoir se faire notre avis ? Quels sont les effets indésirables des vaccins ? Quel est le rôle des adjuvants ? Je n’ai rien sur la mortalité. Cette ligne budgétaire dans le PLFSS est un déni de démocratie ! » Et l’Insoumise Caroline Fiat, tout en reconnaissant l’importance des vaccins, d’exprimer son « inquiétude de voir grandir la défiance avec une obligation et l’absence de réponse aux questions ».

L’Assemblée adopte le « cavalier » avec seulement trois voix contre. « Dans ces conditions, impossible de saisir le Conseil constitutionnel pour retoquer l’article 34, se désole Blandine Brocard, il nous faudrait 60 signataires. »

Mais la députée du Rhône ne perd pas espoir qu’à la faveur d’une saisine sur d’autres articles du PLFSS, le Conseil ne retoque de lui-même une disposition qui, selon elle, « n’a pas sa place dans le PLFSS, mais dans une vraie loi de santé ». Un avis partagé par certains experts, tel Claude Le Pen. Mais pour l’heure, après une « grande concertation citoyenne » qui a fait flop et une victoire parlementaire acquise au forcing, à partir du 1er, c’est aux médecins de s’emparer de la question dans le concret de leur exercice.

Buzyn gagne une bataille

« Beaucoup risquent maintenant de rédiger des certificats de complaisance pour contourner l’obligation », pronostique Blandine Brocard. Tant il est vrai, comme dit Didier Tabuteau, directeur de la chaire Santé de Sciences-Po et conseiller d’État, qu’« une campagne sanitaire ne peut réussir contre le tissu sanitaire. Comme en 2009, le gouvernement ne semble toujours pas comprendre l’importance de la relation de confiance et de proximité entre un patient et son médecin ».

Au 1er janvier, Agnès Buzyn a donc gagné, les 11 vaccins deviennent obligatoires. Mais comment vont réagir les familles et les médecins, dans le pays de Pasteur, alors que ni le Parlement, ni la concertation n’ont réussi à apaiser les défiances ? Et que la guérilla – pour ne pas dire la guerre – est déclarée contre l’obligation vaccinale, coalisant les antivax et les adversaires de l’obligation.

(A suivre)


Source : lequotidiendumedecin.fr