La vie artificielle ne cesse de progresser. Au printemps dernier, une publication dans « Nature », largement relayée par les médias, a frappé tous les esprits. En créant de l’ADN avec une troisième paire de bases totalement artificielles, l’équipe californienne de Floyd Romesberg montre que le codage du vivant peut se réinventer. Un nouvel alphabet pour parler une nouvelle langue du vivant, un nouvel alphabet pour créer une autre forme de vie. Après la création d’un génome entier d’une bactérie procaryote en 2010, puis le tour de la levure, un organisme eucaryote, avec un chromosome entier en mars 2014, la biologie de synthèse avance à pas de géant, de plus en plus vite.
Un champ d’applications illimité
Apparue dans les années 2000, la biologie de synthèse est une nouvelle discipline. Le premier congrès mondial a été organisé en 2004 au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais de quoi s’agit-il exactement ? Quel champ recouvre en pratique la biologie de synthèse ? Des réponses, il ressort que les potentialités sont en fait... illimitées. Plus que par un champ d’applications circonscrit, la biologie de synthèse se définit par la méthode utilisée. Selon le rapport parlementaire de Mme Geneviève Fioraso datant de 2012 , « Par nature interdisciplinaire, ce nouveau domaine doit son émergence aux progrès réalisés (...) en biologie moléculaire et en biologie des systèmes ». Pour François Képès, directeur de recherche sur la biologie de la synthèse au Génopole : « La biologie de synthèse est l’ingénierie rationnelle de la biologie. En d’autres termes, elle vise à la conception rationnelle et à l’ingénierie de systèmes complexes fondés sur le vivant ou inspirés par le vivant, et dotés de fonctions absentes dans la nature ».
Des cellules comme usines de production
Le domaine de la santé est l’un des champs d’application privilégié. « Il est aujourd’hui possible d’analyser, synthétiser, assembler, modifier et transférer de nouvelles informations génétiques dans des organismes », a expliqué le Pr Wilfried Weber, directeur de recherche à l’université de Fribourg. Des systèmes synthétiques de plus en plus complexes ont été élaborés au cours de la dernière décennie, des systèmes utilisés « à la fois pour comprendre le mécanisme des maladies et pour développer de nouveaux traitements préventifs et thérapeutiques ».
L’exemple de l’artémisinine est parlant (voir encadré), mais c’est loin d’être le seul. « Insuline, hormone de croissance, anticorps monoclonaux, vaccins », a expliqué Wilfried Weber, « de nombreux médicaments sont aujourd’hui produits par voie biotechnologique, en s’aidant des bactéries, des levures mais aussi des cellules végétales ou de mammifères. Cultivées en bioréacteurs (...), ces cellules sont utilisées comme de véritables usines de production de médicaments, en insérant des gènes nécessaires à la synthèse de principes actifs (...). Ce système permet une production à grande échelle pour un faible coût et une faible quantité de déchets ».
Des médicaments issus du criblage à haut débit
Les méthodes de criblage à haut débit ont permis aussi de découvrir des petites molécules d’intérêt thérapeutique. Les cibles thérapeutiques étant définies au préalable, il «suffit» de chercher le candidat dans les grandes collections disponibles. Des petites entreprises dédiées se sont d’ores et déjà créées dans ce secteur très spécialisé. Plusieurs petites molécules ont pu être découvertes. C’est le cas ainsi dans la tuberculose avec un médicament désormais accessible contre la la résistance développée à l’antibiotique éthionamide. Un criblage à haut débit a permis de découvrir le 2-phényéthylbutyrate, une molécule qui interagit avec le récepteur à l’éthionamide et «resensibilise» ainsi à l’antibiotique le Mycobacterium tuberculosis.
Prévoir la virulence d’épidémies
La biologie de synthèse permet aussi de mieux comprendre les maladies. Par exemple, le potentiel épidémique de futures souches virales peut être prédit par rapport à de plus anciennes. Ce fut le cas pour la pandémie grippale en 2009, la grippe porcine (ou « swine flu »), dont la dangerosité a été évaluée par comparaison séquence à séquence avec une autre grippe H1N1, la grippe espagnole de 1918. Une fois le génome de cette dernière totalement reconstruit, « une analyse fonctionnelle du virus reconstitué a permis d’apporter de nouveaux éléments quant aux facteurs de virulence du pathogène, notamment que c’est une combinaison de 8 gènes, qui est responsable de la virulence exceptionnelle de la souche virale ».
Les moustiques trangéniques
La biologie de synthèse permet aussi de prévenir des maladies. C’est le principe des moustiques transgéniques pour contrôler la transmission de la dengue et du paludisme. Des lâchers de moustiques Aedes aegypti OGM ont déjà été réalisés dans certaines régions tropicales contre l’épidémie de Dengue. Après la Malaisie en 2010 et les îles Caïman en 2011, le Brésil a lui aussi annoncé en juillet dernier le recours à une souche transgénique d’Aedes ægypti stérile, fruit de la collaboration entre l’université de Sao Paulo et la société britannique Oxitec. Pour le paludisme, les systèmes testés pour l’anophèle, le vecteur du plasmodium, sont encore en phases de tests.
Des hydrogels vaccinaux pour une injection unique
La création de biomatériaux est une autre voie prometteuse. L’équipe du Pr Wilfried Weber travaille dans son laboratoire de recherche à Fribourg sur la fabrication d’hydrogels vaccinaux. « De bons hydrogels permettront de diminuer le nombre d’injections de 2-3 à 1 seule, par exemple pour les vaccins contre l’HPV et l’hépatite B. Une étude chez la souris publiée en 2013 a obtenu de très bons résultats. Bill Gates a inscrit la mise au point d’une injection unique vaccinale dans les grandes priorités de santé publique ». Des équipes travaillent à la conception d’hydrogels capables de contenir un principe actif et se dissoudre en réponse d’un stimulus particulier, ce qui permettrait de délivrer le médicament à un moment précis.
Biofutur, n°339, janvier 2013
www.inserm.fr dossiers d’informaiton sur la thérapie génique
Pour la Science, n°440, juin 2014
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