Alors que l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest est désormais officiellement la plus importante jamais observée, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a organisé mercredi et jeudi une conférence avec les différents ministres de la santé de la Côte d’Ivoire, de la République démocratique du Congo, de la Gambie, du Ghana, du Nigeria, de Guinée-Bissau, du Liberia, du Mali, du Sénégal, du Sierra Leone et de l’Ouganda.
Les participants ont appelé à une augmentation des moyens financiers engagés. « Il est question de 10 millions de dollars à utiliser sur 6 mois », précise au « Quotidien » le Dr Jean-Claude Manuguerra qui dirige la cellule biologique d’intervention d’urgence (CIBU) au sein de l’Institut Pasteur (Paris) et qui a participé à cette réunion de crise. Compte tenu « de la pauvreté des pays en question, l’OMS va devoir se tourner vers ses autres membres, et notamment l’Union européenne. »
Gagner les cœurs et les esprits
Le point le plus concret est la mise en place prochaine par l’OMS d’un responsable chargé du contrôle régional en Afrique de l’Ouest, afin de coordonner et d’harmoniser les méthodes de contrôle de l’épidémie. Il a également été décidé d’impliquer les chefs de clans et les autorités religieuses locales pour faire prendre conscience aux populations locales du danger que fait peser Ebola, convaincre de la nécessité de prendre des mesures : isoler les malades de leur famille et empêcher les rites funéraires.
« La population locale ne croit parfois pas à Ebola », explique le Dr Sylvain Baize, de l’Institut Pasteur, et responsable du Centre national de référence (CNR) des fièvres hémorragiques, à Lyon. « Il y a eu des dissimulations de cas qui n’aident pas à maîtriser la situation. C’est quelque chose que l’on a déjà observé au cours d’autres épidémies », raconte-t-il. Il a également été décidé de renforcer les capacités de traçage et de surveillance des cas, et de déployer plus de personnels qualifiés.
Une épidémie sous contrôle ?
Pour sa part l’ONG Médecin sans frontière (MSF) a déjà affirmé la semaine dernière avoir « atteint ses limites », et être dans l’incapacité d’envoyer des équipes sur les nouveaux foyers. Le directeur des opérations, le Dr Bart Janssens n’ayant d’ailleurs pas hésité à qualifier l’épidémie de « hors de contrôle ».
« Ce genre d’épidémie peut être stoppé », a rétorqué Keiji Fukuda, sous-directeur en charge de la Sécurité sanitaire à l’OMS devant les 11 ministres réunis à Accra.
Selon le Dr Jean-Claude Manuguerra, « MSF et Médecins du Monde ont fait remonter leurs problèmes sur le terrain lors de la dernière réunion du comité de pilotage du réseau mondial d’alerte en cas épidémie (GOARN), c’est pourquoi l’OMS a décidé la réunion d’Accra. On a une multiplicité de foyers sur trois pays, ce qui n’était jamais arrivé avant. C’est très difficile d’un point de vue logistique ».
Des foyers proches du Sénégal
Il y a maintenant 60 foyers actifs répartis sur la Guinée, le Sierra Leone et le Liberia qui ne peuvent pas tous être couverts, selon le Dr Jean-Claude Manuguerra, faute de financement, de personnels, et de moyens de transports. Les autorités font face à la plus grande épidémie d’Ebola jamais observée, avec plus de 750 cas confirmés et 445 morts selon le dernier décompte de l’OMS. Plus de 1 000 cas contact sont en cours d’investigation.
En Sierra Leone, de petites unités de soins supplémentaires ont été installées à Koindu, à Daru et à Buedu, tandis qu’au Liberia, ce sont les localités de Foya dans le nord et l’hôpital de Monrovia qui font l’objet de toutes les attentions. En Guinée, de nouveaux foyers sont apparus dans la partie nord du Pays.
Tous les pays côtiers sont menacés
Malgré la forte augmentation du nombre de cas en juin, tout porte à croire qu’il s’agit toujours de la même épidémie. Selon Sylvain Baize, « la résurgence est due au fait que quelques cas sont passés inaperçus, et n’ont pas été correctement traités. Pour l’instant, on a toujours été capable de relier chaque nouveau cas à un malade plus ancien ». L’éparpillement géographique et le délai de deux mois entre la date présumée du premier cas index et la première vague de malades en janvier sont d’autres éléments d’explication de la difficulté à maîtriser la situation. « Nous sommes dans une phase où il est difficile de savoir ce qui va se passer, poursuit Sylvain Baize, tous les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest qui disposent de forêt tropicale sont potentiellement en danger. »
L’idée d’une fermeture des frontières a été évoquée par les représentants du Sénégal, mais a été rapidement écartée. « Quand on ferme une frontière, les gens en franchissent dix autres » , résume le Dr Manuguerra.
En France, le CNR est régulièrement sollicité pour des diagnostics sur des voyageurs venant d’Afrique de l’Ouest avec de la fièvre. Tous sont négatifs pour l’instant « mais nous restons prudents », insiste Sylvain Baize. Il y a une phase asymptomatique qui dure entre 4 et 13 jours pendant laquelle on ne détecte rien. Une fois la maladie déclarée, on est très vite dans l’incapacité de voyager. »
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