LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : que pensez-vous des essais thérapeutiques menés contre Ebola ?
Dr SYLVAIN BAIZE : Il faut les faire. Mais il y a bien plus urgent : les personnels sur place manquent d’équipements de protection et de moyens d’isoler les malades. Environ 10 % des victimes sont des personnels de santé. En général, dans ce type d’épidémie, les décès des personnels soignants surviennent au début, avant que l’on sache qu’il s’agit d’une épidémie d’Ebola. Le fait qu’il y ait toujours des victimes parmi les professionnels de santé prouve qu’ils ne sont pas protégés, bien que l’information soit maintenant connue. Je suis aussi également assez inquiet de voir que l’OMS a mis le sérum de sujets convalescents parmi les traitements à tester. Il s’agit d’une vieille idée qui a donné des résultats divers et très peu exploitables. Parfois, il a fonctionné mais en l’administrant à des survivants qui auraient guéri quoi qu’il arrive. D’autre fois, le sérum a été administré en dernier recours chez des patients condamnés. Le niveau sécurité n’est pas garanti, avec le risque que le sérum contienne encore des virus vivants.
Que pouvez-vous nous dire de ZMapp et de son potentiel ?
C’est difficile à évaluer. Cet ensemble d’anticorps monoclonaux n’a encore jamais été testé chez l’homme. Chez le singe, la mortalité est de 30 % quand le ZMapp est administré 24 heures après l’infection et de 60 % au bout de 48 heures Il faut prendre en compte que le fait que les singes sont très sensibles au virus Ebola, avec une mortalité sans traitement de 100 %. Les résultats pourraient donc être plus probants chez l’homme qui résiste mieux au virus. Les seuls humains qui ont reçu ce traitement sont les deux médecins libériens, le patient espagnol et les deux patients américains. C’est trop peu, surtout compte tenu des biais statistiques : les deux Américains qui ont survécu étaient pris en charge dans d’excellents services où ils ont bénéficié de très bons traitements symptomatiques, contrairement aux patients libériens. Le patient espagnol était quant à lui très âgé, ce qui constitue un autre biais.
Toyama Chemicals affirme pouvoir rapidement fournir son antiviral Avigan, que sait-on de cette molécule ?
Concernant le T-705, il y a peu de publications pour le moment, et il s’agit principalement d’essais réalisés chez la souris. Il faut encore, comme pour n’importe quel autre traitement, l’essayer chez le primate qui constitue le modèle de référence. Il s’agit d’un analogue nucléosidique, comme la ribavirine, qui prévient la réplication virale. Il est donc tout à fait possible, même si cela reste à prouver, qu’il ait aussi une efficacité contre un virus à ARN comme Ebola. La ribavirine est bien employée contre les fièvres hémorragiques Lassa et Crimée-Congo. L’avantage, est qu’il s’agit d’une molécule déjà autorisée chez l’homme.
L’ OMS a approuvé l’utilisation de traitements expérimentaux, les candidats sont-ils nombreux ?
Soyez assuré qu’avec le battage qui a été fait, tous ceux qui disposent de molécules qui se sont signalés. Personnellement, je trouve qu’il y a une forme de schizophrénie entre le discours de l’OMS et la situation sur le terrain qui ne permet pas de tester les traitements dans de bonnes conditions. Je crains que les essais se fassent dans la panique sans que l’on puisse en tirer de conclusions.
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