L’étude Arrive porte sur des sujets à risque cardiovasculaire modéré à moyen (risque à 10 ans de maladie coronaire entre 10 et 20 %) sans antécédent cardiovasculaire ni diabète. Ce sont des hommes d’au moins 55 ans présentant de deux à quatre facteurs de risque traditionnels hors diabète (HTA, tabac, hyperlipidémie…) et des femmes de plus de 60 ans ayant au moins trois facteurs de risque. Au total, plus de 1 200 personnes ont été incluses. Elles ont été randomisées en deux bras, aspirine enrobée à libération entérique 100 mg/j versus placebo.
Le critère primaire rassemble les décès cardiovasculaires, infarctus, AVC, angors instables et AIT. Les épisodes hémorragiques étaient rapportés.
Au terme de cinq ans de suivi, le taux d’événements du critère principal n’est pas modifié dans l’analyse classique en intention de traiter (4,29 % vs 4,48 % sous placebo, p = 0,60). On note néanmoins dans l’analyse per protocole une légère réduction des infarctus non mortels. Par contre, les hémorragies gastro-intestinales, la plupart de gravité modérée, sont plus que doublées sous aspirine (0,97 vs 0,46 %, p = 0,0007), même s’il n’y a eu aucune hémorragie mortelle à déplorer.
Arrive échoue donc à montrer un bénéfice de l’aspirine en prévention primaire pour des patients à risque modéré sans diabète ni pathologie cardiovasculaire avérée, alors qu’elle double le risque de saignements gastro-intestinaux. Échec sur toute la ligne, donc.
Des résultats sans appel
L’étude multicentrique anglaise Ascend porte, elle, exclusivement sur des diabétiques, dont 95 % de type 2. Aucun n’a d’antécédents cardiovasculaires. Il s’agit d’une énorme étude, portant sur plus de 15 000 sujets, avec un suivi moyen de près de sept ans et demi. Les sujets ont été randomisés en deux groupes, aspirine 100 mg/j versus placebo. Le critère principal d’efficacité cardiovasculaire porte sur les événements cardiovasculaires majeurs : infarctus, AVC, AIT et décès cardiovasculaires. Le critère de sécurité est lui aussi restreint aux événements majeurs : les hémorragies cérébrales, gastro-intestinales ou d’autres localisations suffisamment sévères pour nécessiter une hospitalisation ou menacer le pronostic vital.
L’aspirine est ici associée chez le diabétique à une réduction significative des événements cardiovasculaires majeurs (8,5 % vs 9,6 %, p = 0,01). Ils sont réduits de 12 %. Et l’analyse de l’exposition suggère que ce bénéfice est confiné aux premières années de traitement. Malheureusement, ce bénéfice est occulté par les complications hémorragiques. Les hémorragies majeures sont significativement majorées sous aspirine (4,1 % vs 3,2 %, p = 0,003). Dans cette étude, au total, sur 1 000 diabétiques, l’aspirine a permis d’éviter 11 événements cardiovasculaires majeurs au prix de 9 saignements majeurs.
« Les résultats de ces deux études concordent. Elles prêchent contre une prescription systématique de faibles doses d’aspirine (100 mg/j) en prévention primaire chez les sujets à risque cardiovasculaire moyen à modéré comme chez les diabétiques », conclut le Pr Michel Komajda, de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
Communication du Pr Michel Komajda (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
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