Cette année, un travail mené par un groupe suédois a proposé d’aller plus loin que la classification univoque la maladie diabétique en type 1 et type 2 afin de mieux prendre en compte son hétérogénéité (1). À l’issue d’analyses de cohortes, il est arrivé à différencier au total cinq sous-types de diabète définis à partir de l’agrégation de six variables phénotypiques au diagnostic assez simples : un sous-type de diabète auto-immun et quatre de diabètes non auto-immuns. Cette différenciation pourrait permettre d’aller plus avant dans la personnalisation du traitement de la maladie et d’affiner dès le diagnostic sa prise en charge au regard de la physiopathologie sous-jacente et du risque de survenue des complications cardiovasculaires, rénales, oculaires… L’évolution clinique – le besoin en insuline – et le risque de complications varient en effet largement d’un sous-groupe à l’autre, comme le montre le suivi longitudinal prospectif postdiagnostic.
Six variables phénotypiques
Les six variables phénotypiques retenues dans ce travail sont l’âge, l’indice de masse corporelle, le taux d’HbA1c, la sécrétion d’insuline, la résistance à l’insuline et la présence ou non d’anticorps antiacide glutamique décarboxylase signant une maladie auto-immune (anti-GAD).
Les caractéristiques de ces cinq sous-groupes ou « clusters » sont les suivantes :
– les patients du cluster 1, qui regroupe les DT1 et les LADA, sont ceux qui ont un diabète auto-immun sévère ;
– ceux du cluster 2 ont une déficience en insuline sévère avec anticorps négatifs ;
– ceux du cluster 3, en général obèses, sont insulinorésistants ;
– ceux du cluster 4 sont obèses mais peu insulinorésistants ;
– ceux du cluster 5 sont peu déséquilibrés et plus âgés au diagnostic.
Dans les cohortes étudiées, 15 % des diabétiques appartenaient au cluster 1, proche du DT1 ; les clusters 2 et 3 rassemblaient 30 % des DT2 ; les clusters 4 et 5, 60 % des DT2 (respectivement 20 % et 40 %).
D’importantes différences
Les sujets du cluster 5, plus âgés, ayant des anomalies modérées d’insuline, des HbA1c pas très augmentées et un risque de complication moindre, ont un meilleur pronostic. A contrario, ceux des clusters 2 et 3 développent les formes les plus sévères de la maladie, de mauvais pronostic, avec une HbA1c initiale élevée et une évolution précoce vers l’insulinothérapie. Dans le cluster 2, la présentation clinique est proche de celle du DT1 – âge au diagnostic relativement jeune, IMC bas, sécrétion d’insuline basse –, quand dans le cluster 3 l’IMC est haut, l’insulinorésistance importante et la stéatose hépatique fréquente. Les patients de ces deux sous-groupes ont le plus haut risque de néphropathie, auquel s’ajoute pour ceux du cluster 2 un haut risque de rétinopathie.
En revanche, dans le temps du suivi de ces cohortes, il n’y a pas eu de différences significatives après ajustement sur l’âge et le sexe quant au risque de complications coronaires et cérébrovasculaires.
Des implications cliniques
« Cette proposition de classification plus raffinée du DT2 n’est pas à vrai dire réellement nouvelle, puisqu’elle se base sur des phénotypes bien connus : anticorps, déficit insulinique, insulinorésistance, poids…, nuance le Pr Bernard Charbonnel, endocrinologue et enseignant à l’université de Nantes. Elle a néanmoins l’avantage de rappeler l’existence du LADA (touchant 15 % des sujets) et de mettre en exergue dès le diagnostic deux formes plus sévères de DT2 rassemblant 30 % des DT2, ceux des clusters 2 et 3. On peut donc identifier précocement au sein des patients étiquetés DT2 des formes bien plus sévères associées à une évolution clinique plus rapide et un haut risque de complications. Ils nécessitent peut-être une approche plus agressive. Des essais cliniques d’intervention stratifiés sur ces cinq sous-groupes pourraient permettre de clarifier à l’avenir la balance bénéfices-risques de telle ou telle intervention dans les divers clusters. »
Communication du Pr Bernard Charbonnel, endocrinologue (Nantes)
(1) E Ahlqvist et al. Novel subgroups of adult-onset diabetes and their association with outcomes: a data-driven cluster analysis of six variables. Lancet Diabetes Endocrinol. 2018;6(5):361-369
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