LE QUOTIDIEN : Comment est née Infirmière Reconversion ?
ANNE-SOPHIE MINKIEWICZ : Nous sommes un organisme de formation spécialisé dans la reconversion des infirmières. C'est un programme pensé par une infirmière pour les infirmières. L’objectif, c’est de les aider à redéfinir un nouveau projet, et ensuite à trouver un nouveau job. Depuis 2020, nous avons accompagné 500 infirmières, et à partir de début mars, nous nous ouvrons à d’autres professionnels de santé : médecins, sage-femmes, kinés…
Quel est le besoin auquel vous répondez ?
C’est un besoin qui a toujours existé, mais que le Covid a cristallisé, révélé, renforcé : avec la crise, les soignants se sont autorisés à dire qu’ils n’en pouvaient plus, et qu’ils pouvaient partir. Ils ont commencé à ne plus ressentir de culpabilité par rapport à cela. Ils ont été sous les projecteurs, on les a considérés comme des héros, ils se sont dit que les choses allaient changer, et finalement, ils n’ont eu que quelques dizaines d’euros avec le Ségur, et certains ont même été considérés comme des parias avec la question de la vaccination…
Quelles sont les raisons évoquées par les professionnels qui viennent vous trouver ?
Ils mettent surtout en avant les conditions qui leur sont proposées, et les moyens qui sont mis à leur disposition. Ils ont choisi ce métier pour aider les autres, pour apporter du réconfort, et ils ont l’impression de presser tout le temps les patients, de ne faire que du soin technique. Je les entends souvent dire que le quotidien de leur métier est aux antipodes des raisons pour lesquelles ils l’ont choisi : puisque le système ne va pas changer, ils nous disent que ce sont eux qui vont changer. Et ils nous parlent également de la rétribution.
Vers quoi souhaitent-ils se réorienter ?
Ce qui est intéressant, 80 % d’entre eux nous contactent en nous disant qu’ils veulent faire radicalement autre chose, au bout de notre programme de huit à dix semaines, ils sont 80 % à rester dans le care, dans le prendre soin : ils s’orientent vers d’autres métiers du paramédical, les médecines alternatives et complémentaires, le management dans la santé… Certains d’entre eux restent même infirmiers. C’est donc qu’il y a une vraie vocation… Nous n’aidons pas à la désertion, nous aidons les personnes à se placer là où elles se sentent mieux.
Sentez-vous, de la part des établissements sanitaires, une volonté de répondre à cette désaffection pour la profession ?
Absolument pas. Certes, on assiste aux prémices d’un éveil des consciences, et les établissements commencent tout juste à percevoir la nécessité de s’améliorer. Mais quand j’échange avec des DRH, quand je leur dis qu’il est nécessaire de permettre aux infirmiers d’évoluer au sein même de l’hôpital, ils ne sont pas prêts à l’entendre. Dans les faits, rien ne change. Ce que je trouve par exemple criant, à l’hôpital, c’est le rôle des cadres de santé. Leur titre trahit bien leur rôle : ce ne sont pas des managers, des leaders, ils ne sont pas là pour créer une dynamique d’équipe, ils sont là pour cadrer, faire les plannings…
Vous nous disiez que vous lanciez une offre similaire à celle que vous proposez aux infirmiers, cette fois-ci pour les médecins, pouvez-vous nous en dire plus ?
Les médecins vivent la même chose que les infirmiers. Certains nous disent qu’ils ont fait douze ans d’études, mais qu’ils sont prêts à faire une croix dessus, ce qui n’est pas rien. Mais souvent, ils n’ont pas conscience des possibilités d’évolution qui s’offrent à eux : le management, le sport, d’autres types de médecine, la reprise d’études… Je pensais à l’origine que les besoins en termes de reconversion seraient moindres, mais malheureusement, il y aura probablement du volume, notamment chez les généralistes.
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