LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Dans Ma santé 2022, le gouvernement met le paquet sur les hôpitaux de proximité et, en ville, sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Le CHU a-t-il sa place ?
JEAN-PIERRE DEWITTE : Le CHU est implanté dans la ville. Nous n'avons pas d'inquiétude pour notre avenir, il y a de la place pour tout le monde. Je l'assure d'autant plus que le gouvernement insiste aussi sur la nécessaire gradation des soins et des structures hospitalières, et ce à quatre niveaux : local, de proximité, de recours et les CHU.
Imaginons se priver des CHU... Imaginons que le CHU de Tours décide ne plus accueillir les urgences, de ne plus prendre en charge les premiers soins des personnes âgées. Qui prendrait le relais ? Passez-vous des CHU et vous aurez des trous considérables dans la raquette ! Si la médecine de ville se structure et adopte un comportement plus collectif, nous ne revendiquerons pas la prise en charge des urgences légères. Mais nous désirons conserver nos missions de proximité tout en accentuant excellence et innovation. Ce n'est pas antinomique.
Le gouvernement invite les médecins à exercer en ville et à l'hôpital. Est-ce la fin des carrières 100 % hospitalo-universitaires ?
Non, pas du tout, mais la carrière hospitalière doit évoluer. Les praticiens pourraient demain travailler sur des missions plus ciblées de prévention, de recherche, d'enseignement ou de soins à des temps différenciés. Ces missions historiques ne peuvent plus être le fait d'un seul et même médecin, mais d'une équipe de soins intra-CHU. C'est une grande source d'attractivité pour le secteur.
L'ouverture vers la ville et le privé est également souhaitable car elle est source de fluidité et de mobilité. Je suis favorable à des passerelles entre les deux mondes. À certains moments de sa carrière, un médecin doit pouvoir exercer aussi bien en CHU qu'en hôpital général, en clinique, en cabinet de groupe ou en maison de santé ! Connaissez-vous encore des professions qui ont une vision monolithique sur 40 ans ? C'est très rare !
Les CHU hors les murs ne sont pas une utopie. Aujourd'hui, la visite est la chasse gardée du médecin libéral, mais demain, rien n'empêchera le médecin du CHU d'aller voir son malade à domicile.
À l’inverse, on pourrait tout à fait imaginer remettre au goût du jour une forme de vacation temporaire à l'hôpital pour les médecins de ville, aussi bien dans le soin, comme on l'a connu, que dans la formation ou la recherche.
La Cour des comptes stigmatise l'érosion des financements alloués à la recherche médicale. Elle suggère une restructuration en réseau. Bonne ou mauvaise idée ?
C'est une nécessité ! Plus personne ne veut travailler tout seul sur son île ! Les CHU sont les seuls établissements à faire de la transplantation hépatique, mais ce n'est pas le cas de tous. C'est pourquoi le travail en réseau est indispensable sur cette spécialité ou d'autres.
Demain, nous n'aurons ni la capacité financière ni démographique d'avoir dans tous les CHU d'une même région la même force de frappe sur la même spécialité. Chaque CHU doit avoir un service de maladies infectieuses mais tous ne nécessitent pas un département de neurologie infantile ou de grands brûlés. Attention : je ne dis pas qu'il y a des super CHU et des CHU annexes. Le réseau doit pouvoir s'appuyer sur ses établissements leaders. C'est cette complémentarité que l'on cherche dans le soin et les hyperspécialités, l'enseignement et la recherche, pour être les meilleurs au bénéfice des patients.
En 2016, vous proposiez une cartographie des besoins médicaux. Soutenez-vous toujours cette démarche ?
Comme la majorité des hôpitaux, nous subissons des déficits considérables dans certaines spécialités médicales, comme la radiologie et l'anesthésie. J'ai même du mal à recruter des cardiologues ! Nous connaissons très bien les territoires désertifiés et les spécialités en pénurie. Les besoins médicaux territoriaux ne sont pas les mêmes en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Poitou-Charentes ou dans le Nord-Pas-de-Calais. Sachant cela, l'idée d'orienter les étudiants pour modifier la densité médicale d'un territoire donné, et ce dans le cadre d'une réforme du choix des filières, me paraît être positive.
Cela ne suffira pas pour autant. C'est pourquoi nous devons miser en complément sur la télémédecine pour répondre le plus rapidement possible aux besoins de santé des Français.
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