C’EST, avec Fort-de-France et Pointe-à-Pitre, le CHU de France le plus déficitaire.
Mercredi dernier, son directeur général, Angel Piquemal, adresse au personnel un mail alarmiste. Le versement des cotisations patronales est suspendu, et le paiement des fournisseurs, décalé. En cause, le non-renouvellement d’une autorisation de découvert par la banque, qui permet au CHU de faire face à ses charges courantes. « Les salaires sont et seront payés », précise toutefois Angel Piquemal.
Handicaps.
Sur place, la nouvelle ne surprend personne. L’équipe de direction joue la transparence depuis son arrivée il y a deux ans et demi, et nul n’ignore que le CHU cumule les handicaps - mauvaise gestion passée, locaux inadaptés, amiante, sécurité anti-incendie coûteuse... Réunion de crise à Matignon. « Le problème de trésorerie est réglé », assurait jeudi Pierre-Jean Lancry, le directeur général de l’ARS Basse-Normandie. La cessation de paiement devrait être évitée d’un cheveu en octobre, grâce à une enveloppe spéciale - dont le montant reste tu.
La situation est loin d’être assainie pour autant. Car si le déficit annuel a été divisé par quatre entre 2009 et 2011, le déficit cumulé du CHU, lui, ne cesse d’enfler. Un héritage des années passées, qui atteint 119 millions d’euros. L’ardoise plombe le CHU malgré les efforts de réorganisation engagés depuis trois ans. Ce praticien désespère : « On a un boulet au pied, et personne ne se décide à scier la chaîne ». Le patron de l’ARS admet que le problème reste entier : « On a laissé traîner le déficit cumulé. Le problème peut durer encore des années ».
Les soignants veulent un signal fort.
Est-ce un cas très particulier en France ? C’est l’avis de Daniel Moinard, DG des Hospices civils de Lyon, qui a effectué une mission au CHU de Caen en 2009 : « Les autres CHU sont sur la voie du redressement, alors que le CHU de Caen est dans une situation critique. Il ne peut s’en sortir seul. Son avenir passe par sa démolition et sa reconstruction à neuf ».
Dans l’attente des premiers coups de pioche, les équipes soignantes sont prêtes à se retrousser davantage les manches, à la condition que les politiques envoient un signal fort dans leur direction. « Nous avons vendu le patrimoine, économisé sur le personnel, externalisé le ménage, fermé la stérilisation. Le personnel est performant, responsable. Nous pouvons augmenter l’activité, mais il faut que les politiques se bougent », déclare ainsi Jocelyne Ambroise (CGT santé).
La CME (Commission médicale d’établissement) vient de renouveler sa confiance dans le projet médical lancé depuis deux ans. Sa présidente, le Pr Marie-Astrid Piquet, craint que la dynamique enclenchée ne se brise. « Avant 2009, nous n’avions jamais vu un tableau de bord, dit-elle. Maintenant, nous suivons nos activités, nous nous comparons aux autres hôpitaux. Nous tentons de résoudre les problèmes de démographie médicale via des postes partagés [le CHU de Caen est par ailleurs l’un des premiers hôpitaux de France à avoir recruté un anesthésiste via un contrat de clinicien, voir « le Quotidien » du 13 mars 2012]. Nous sommes prêts à poursuivre les efforts, mais nous voulons du soutien, pas une simple rustine qui permette de payer les factures en 2012. Si nos investissements sont stoppés, c’est nous tuer à un peu plus long terme ».
Inquiète pour la pérennité de son établissement, la gastro-entérologue demande aux tutelles de sortir de leur silence. Sans trop y croire, elle ajoute : « On attend une chance de continuer notre projet. Qu’on nous remette les compteurs à zéro ».
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