UN ÉLÉPHANT PEUT-IL dialoguer avec des milliers de fourmis ? Et une fourmi peut-elle facilement trouver l’oreille d’un éléphant ? C’est un peu en ces termes « structurels » que se pose en France la question des relations entre les 32 CHU et les 96 000 médecins de ville (libéraux exclusifs) recensés par l’Ordre. Le sujet fait partie des travaux qui se mènent aujourd’hui et demain à Paris dans le cadre des Journées de la communication hospitalière de la FHF. « Le Quotidien » apporte sa pierre à l’édifice.
Solicités par une enquête menée en partenariat avec la Conférence des directeurs généraux de CHU et « Réseau-CHU », 20 CHU ont répondu à un questionnaire qui leur a été adressé à la fin de 2010 pour mesurer leur implication. Sur ces 20 établissements, 14 ont activement cherché à connaître les attentes à leur égard des médecins de ville les entourant. Pour ce faire, 11 ont réalisé une enquête – certains en sont à leur seconde du genre –, un a préféré organiser des réunions, un autre recourir aux « focus groupe », un dernier a directement, sans préliminaires, mis en place des groupes de travail.
Quand les CHU ont enquêté auprès des médecins de ville, les doléances qu’ils ont recueillies concernent d’abord la facilité à joindre un interlocuteur – médecins hospitaliers ou secrétaire – au téléphone (cette plainte revient 11 fois ; elle est enregistrée dans quasiment tous les sondages), puis, ex-æquo et quasiment avec la même fréquence (10 fois), la connaissance des organisations du CHU et la qualité et la rapidité des comptes rendus de sortie. Viennent ensuite les difficultés d’adressage des patients (citées 6 fois) – le « sas » des urgences semble en particulier poser problème aux libéraux –, puis la préparation des patients à la sortie (plaintes auprès de 4 CHU) et la prise en compte de l’avis du médecin traitant (reproche formulé dans 4 établissements également). La communication des dossiers médicaux est un écueil cité une fois. Dans le registre des griefs très concrets, on peut noter qu’au CHU de Grenoble, les médecins de ville ont fait savoir qu’ils aimeraient bien être mieux informés en cas de… décès de leur patient.
Des efforts à la pelle…
Une fois fait le recensement de « ce qui cloche », les CHU ont élaboré des plans d’amélioration dont certains ont commencé à être mis en œuvre tandis que d’autres sont encore à l’état de projet. Logiquement, les stratégies arrêtées s’attaquent d’abord à l’accessibilité des hôpitaux et de leurs équipes : 10 d’entre eux inaugurent ainsi des numéros de téléphone spécifiques, uniquement réservés aux médecins libéraux (3 projettent de le faire). Au bout du fil, les praticiens de ville vont trouver des médecins de l’hôpital (qui, selon les cas, répondront depuis leurs services, en « unité mobile » ou à partir d’une plate-forme téléphonique). Très en vogue également : les news-letters ciblées sur les libéraux (8 CHU y recourent), ou les courriers d’information plus classiques – à Rouen, depuis 2009, les médecins du CHU participent à l’élaboration d’une lettre d’information semestrielle, « Le lien médical », distribué aussi bien en interne qu’aux 3 000 médecins de ville du secteur.
Les messageries sécurisées ont aussi le vent en poupe : à l’instar du CHU de Rennes (lire ci-dessous), 6 établissements ont fait ce choix et 2 autres ambitionnent de le faire. Diffusés sous forme « papier » ou par Internet, les annuaires médicaux sont une solution retenue par 6 CHU pour faire en sorte que la ville connaisse mieux leurs organisations. Cinq CHU indiquent travailler sur les comptes rendus de sortie (4 autres vont se lancer) ; leurs chantiers prennent des formes diverses, les uns visant des documents plus synthétiques, d’autres des délais de délivrance raccourcis, d’autres encore planchant sur la numérisation complète. Deux CHU tentent de rendre leurs secrétariats plus performants. Quant à la participation des médecins de ville à la vie des CHU, elle est a priori expérimentée dans un seul endroit : Nancy, où des représentants des libéraux ont été associés à l’élaboration du projet médical d’établissement.
... pour un effet encore limité.
Les médecins de ville perçoivent-ils toute cette agitation ? Peu. Ou alors, quand ils la mesurent, c’est pour regretter qu’il y ait « loin des grandes déclarations d’intentions à la réalité ». À les entendre, les libéraux continuent « de perdre un peu la trace de leurs patients quand ceux-ci sont dans le trajet du CHU », à vivre – en dépit de la loi – « comme un chemin de croix l’obtention des dossiers de leurs patients », à s’arracher les cheveux pour faire admettre un patient, à rester privés de réponses passée l’heure de la fermeture des secrétariats. Pour communiquer avec les CHU, ils se disent finalement « très chef de service dépendants » (que le courant passe entre les hommes et les informations suivent ; dans le cas contraire, ça se complique). La qualité des relations entretenues entre médecins de ville et CHU paraît finalement varier dans de grandes proportions avec les spécialités, les situations locales... les hommes. Une constante, toutefois : l’indulgence affichée par les libéraux pour leurs confrères hospitalo-universitaires tout comme eux débordés. Un sentiment qui explique peut-être le satisfecit global exprimé par les médecins libéraux dans un sondage réalisé par l’IFOP pour « le Quotidien » (voir tableau) : 79 % des praticiens interrogés (1) s’y disent contents de leurs relations avec les CHU (12 % de « tout à fait satisfaits », et 67 % de « plutôt satisfaits »), les spécialistes se montrant 10 points plus enthousiastes que les généralistes ; du côté des insatisfaits, le camp des « tout à fait mécontents » recrute dans 3 % seulement de la profession.
(1) Sondage mené dans un échantillon de 417 médecins inscrits sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 501 médecins, représentatif des médecins libéraux. Ont été interrogés (par téléphone sur leur lieu de travail) 325 médecins généralistes et 176 médecins spécialistes, du 23 au 29 mars 2011.
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