
Pour sa thèse de fin d’études, le Dr Guillaume Potherat a interrogé 1 879 patients hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), sur la mention à leur généraliste de leur orientation sexuelle et les effets sur la relation. 87,3 % des sondés avaient un médecin traitant, au courant de l’orientation sexuelle de son patient dans 58 % des cas. Pour 43 %, le frein principal était qu’ils n’avaient « jamais parlé de sexualité avec leur médecin traitant ». Près de 17 % estimaient que cela ne concernait pas leur généraliste. Entre autres, les patients plus âgés et ayant eu plus de 10 partenaires au cours des six derniers mois étaient plus à l’aise sur le sujet.
Prise en charge adaptée
La connaissance de l’orientation sexuelle modifie la prise en charge. « Les patients sont mieux dépistés, mieux informés, il y a une meilleure prévention », explique le Dr Potherat. L’information sur les infections sexuellement transmissibles (IST) était en effet plus fréquente lorsque le médecin traitant était au courant de l’orientation sexuelle : 66,3 % contre 26,3 %. Le dépistage des IST était davantage proposé (64 % contre 29,9 %), tout comme la vaccination contre l’hépatite A (26,6 % contre 15,6 %). Cette information permet aussi au médecin de renforcer sa vigilance. « On retrouve certaines pathologies plus spécifiquement chez les populations LGBT+. On traque ainsi mieux les symptômes », estime le Dr Baptiste Beaulieu.
Qui en parle ?
Mais si l’information est importante, il n’est pas toujours aisé pour le patient de faire son coming out auprès de son médecin. Est-ce alors au généraliste de poser la question ? Ce n’est pas évident. « Malgré le fait que j’exerce dans le Marais, que je sois étiquetée gay-friendly et assez à l’aise sur la question, je n’arrive pas à poser systématiquement la question à l’ouverture d’un dossier. J’essaie d’avoir l’information par des moyens détournés pour ne pas indisposer les patients qui ne veulent pas trop en dire », explique le Dr Julie Van Den Broucke.
En réalité, comme le détaille le sociologue Arnaud Alessandrin (lire interview), il n’y a pas de règles en la matière. « Certains patients ont une approche fonctionnaliste traditionnelle du soin. Le soignant est là pour soigner. Il y a une privatisation de tout ce qui relève de l’intime, on n’en parle pas. À l’inverse, d’autres y vont en leur nom propre et cherchent une réputation, un nom, ce qui engage l’identité du soigné et du soignant. »
La distinction est la même du côté du soignant. Certains sont très à l’aise sur les questions liées à l’intime, d’autres non. « Pour régler l’affaire, il y a ce qu’on appelle le marché, et la réputation de bon accueil du soignant », conclut Arnaud Alessandrin.
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