L’AMP peut-elle favoriser les dérapages entre un médecin borderline et peu scrupuleux et une patiente fragilisée ? Au procès d’André Hazout, ce gynécologue de renom qui comparaît jusqu’au 21 février devant la cour d'assises de Paris pour viols et agressions sexuelles de cinq patientes, la question est revenue plusieurs fois cette semaine. Et elle a été posée vendredi au Pr René Frydman, qui a connu André Hazout il y a 40 ans à Bichat et fut ensuite son patron à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart. Oui, a-t-il reconnu, la FIV peut créer une situation de "fragilité", même si elle varie selon les personnes. Et oui, une relation de "transfert, d'emprise" peut exister entre un médecin et sa patiente. Mais, selon lui, il aurait été "relativement facile d'y mettre" fin en allant voir un autre médecin ou en venant en couple à la consultation. Le célèbre gynécologue a pour le reste dénoncé "un désastre déontologique" dans cette affaire. Son confrère, le Pr François Olivennes, qui partageait le cabinet d u Dr Hazout, s'est ensuite dit "indigné, abasourdi" en expliquant être "tombé de l'échelle" en apprenant les faits reprochés à son ex-associé.
Les jours précédents, les témoignages troublants des plaignantes étaient venus confirmer le caractère hors du commun de cette affaire de viols au cabinet posant la question du libre arbitre d'une femme en désir d'enfant vis-à-vis d'un grand spécialiste tout puissant. A la barre de la cour d'assises, elles ont toutes raconté la même histoire: celle d'un désir d'enfant, de traitements lourds de FIV qui les fragilisent, de relations parfois difficiles avec un conjoint qui a du mal à les comprendre et, en face, l'attitude étrange d'un médecin qui les tutoie, les embrasse et les rassure avant d'avoir avec certaines des relations sexuelles.
Véronique : " j’étais sous influence"
Véronique, 42 ans, n'a pas déposé plainte contre le praticien avec qui elle dit avoir eu des relations sexuelles après être venue le consulter pour une FIV. "Je ne regrette rien même si je n'aurais pas pris l'initiative, j'étais timide et pudique mais il ne m'a pas forcé" a-t-elle expliqué avant de tenter d'expliquer cette relation particulière. Le docteur Hazout apparaissait alors comme le seul qui semblait comprendre ses difficultés. "J'étais sous son influence. Il me comprenait, prenait les choses en main, j'étais subjuguée", a-t-elle témoigné.
Christina : "j’étais fragile, il était rassurant"
Témoignage identique, de Christina, 49 ans, employée en restauration, qui elle aussi n'a pas déposé plainte. Dés le premier rendez-vous, il la serre dans ses bras, plus tard, il l'embrasse sur le front, effleure ses lèvres, enfin il lui impose une relation sexuelle. "Il était très aimant, je croyais que nous allions avoir une relation amoureuse", a-t-elle confié tout en expliquant avoir aujourd'hui l'impression d'avoir été manipulée. "J'étais fragile, en manque affectif, il était rassurant, présent, on pouvait compter sur lui alors qu'avec cette grossesse, je me sentais assez seule", a-t-elle témoigné tout en expliquant n'avoir pas désiré les rapports sexuels qu'elle a eus avec lui.
Yvonna : "j’étais sous son emprise"
Comme les autres femmes, Yvona, la quarantaine, raconte aussi avec émotion sa relation avec le praticien. En mal d'enfant, elle avait trouvé chez Hazout une oreille attentive. D'abord "froid, sérieux, austère", Hazout a ensuite changé d'attitude: "un matin, il m'a embrassée sur les joues et la bouche, j'ai été surprise, je me suis dit: qu'est-ce qui se passe, c'est pas possible, un médecin si sérieux". Un jour après une consultation, le médecin lui propose de repasser le soir à son cabinet. "J'étais flattée qu'il veuille parler avec moi", reconnaît-elle. "Il m'a embrassée, je me suis laissé faire. Mon sentiment, c'est que ce n'était pas bien. Il a essayé d'enlever mon haut, j'ai dit non. Il s'est éloigné de moi et j'ai vu qu'il baissait son pantalon, c'était choquant mais que faire, partir, je n'aurais jamais eu mon enfant. Il m'a emmenée vers un fauteuil et on a eu une relation sexuelle. Au retour, je me suis mise à pleurer, je me sentais coupable". Elle aura trois rapports avec son gynécologue. A la barre, elle admet avoir été "subjuguée" par le praticien. "J'étais sous son emprise, soumise. Mais, je n'ai pas cherché à avoir une relation extra-conjugale. Ces rapports, je les ai subis".
Pénélope, franco-australienne, n'a en revanche pas hésité, elle, à porter plainte, la première, en 1988 auprès du Conseil de l'ordre des médecin, alors que, lors d'une consultation, le gynécologue s'était allongé sur elle après une FIV. Mais son mari médecin l’y avait encouragé en dénonçant "un comportement inadmissible qui salit la profession".
"J’étais comme dédoublée, hors de mon corps"
En fin de semaine, il y a eut enfin le récit accablant d’une ex-patiente qui a subi deux relations sexuelles alors qu'elle était particulièrement vulnérable après la perte d’un nouveau-né, dont la seconde juste avant que le gynécologue pratique sur elle un avortement, alors qu’elle était enceinte de lui ! Cette avocate de 50 ans fait partie de la trentaine d'ex-patientes du célèbre médecin dont les plaintes n'ont pas été retenues par la justice, les faits dénoncés étant prescrits. Mais son récit pourrait faire basculer le procès en étayant la thèse de l'accusation selon laquelle le Dr Hazout a abusé de l'autorité de ses fonctions. "J'étais comme dédoublée, hors de mon corps, spectatrice", explique-t-elle à la barre. Elle ne portera plainte qu’après la mise en cause publique du praticien. A la barre, le Dr Hazout ne contredit pas ce récit mais explique avoir vécu les choses de manière "plus équilibrée", parle d'un rapport sexuel "banal en bonne intelligence". "Je ne l'ai pas contrainte, on était dans l'attirance l'un pour l'autre", affirme-t-il.
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