LE QUOTIDIEN – Quel bilan dressez-vous du CAPI initial ?
FREDERIC VAN ROEKEGHEM – Nous sommes arrivés à 16 016 généralistes « capistes », avant de suspendre les nouvelles adhésions. Au final 38 % des médecins éligibles ont signé un CAPI. Les adhésions se sont concentrées au lancement du contrat, avant janvier 2010, avec des taux géographiques variables de 15 à 69 % selon les départements. L’arc sud est de la France – Marseille, Nice – a connu les plus forts taux d’adhésion au CAPI. La prime moyenne annuelle versée a été de l’ordre de 3 000 euros par médecin.
Avez-vous pu constater des progrès significatifs chez les praticiens engagés dans le CAPI ?
A l’arrivée, ceux qui ont signé un CAPI ont progressé sur tous les indicateurs initiaux, sauf le dépistage du cancer du sein. Les non-signataires aussi ont amélioré leur pratique mais dans une moindre mesure.
Par exemple, sur le dosage d’hémoglobine glyquée – un examen clé dans le suivi des patients diabétiques – on a 4,7 points de plus en faveur des signataires, ce qui veut dire 140 000 personnes mieux soignées si tous les médecins étaient entrés dans le CAPI. D’autres indicateurs ont bien marché : le suivi du fond d’œil mais aussi la prescription de médicaments utiles aux diabétiques comme les statines ou l’aspirine à faible dosage chez les patients à hauts risques cardiovasculaires. En moins de deux ans, les choses ont bougé positivement ! Les médecins français ont réagi plus vite que les médecins anglais par exemple…
Avez-vous été surpris par certains résultats ?
Si on a mis en place le paiement sur objectifs, c’est parce que les résultats moyens de santé publique ne sont pas bons ! Nous avons analysé tous les résultats par département. Ils sont hétérogènes, et parfois mauvais, même si les médecins, individuellement, ont le sentiment de bien faire… En réalité, les pratiques médicales sont très inégales qu’il s’agisse des dosages annuels d’HBA1C, des statines dans le répertoire, du fond d’œil… Même dans les bons départements, il y a des médecins dont les pratiques sont très éloignées des recommandations. Voilà la raison du paiement sur objectifs. Même sur l’efficience des prescriptions – taux de prescription dans le répertoire – les effets du CAPI ont été encourageants en deux ans comme sur les IPP ou les statines. C’est aussi le cas de la hiérarchisation des traitements par IEC ou sartans dans l’hypertension artérielle.
Par rapport au CAPI de nombreux indicateurs ont évolué, vous en avez introduit d’autres…
Nous avons négocié de nouveaux indicateurs en prévention comme le dépistage du cancer du col de l’utérus ou la vaccination contre la grippe des moins de 65 ans en ALD où nous avons de mauvais résultats. Deux items importants vont apporter du neuf : le premier porte sur la durée de prescription des benzodiazépines – aujourd’hui beaucoup prescrits et surtout trop longtemps alors que leur bonne prescription devrait être comprise entre 4 et 12 semaines. Nous avons mis le curseur à 12 semaines. Un autre indicateur concerne la prescription plus ajustée des antibiotiques. Les médecins prescrivent en moyenne 42 boîtes d’antibiotiques pour 100 personnes de la tranche d’âge 16-64 ans, hors ALD. Nous souhaitons qu’ils passent à 37 boîtes, ce qui représenterait une baisse de 10% de prescriptions. C’est un objectif raisonnable.
Le CAPI vous a-t-il coûté de l’argent ?
Le CAPI aura été globalement autofinancé. Dans le nouveau système de P4P, on augmente notre mise de 50 % environ, avec une prime moyenne de 4 500 euros par praticien. Nos simulations montrent que le nouveau système ne sera pas entièrement autofinancé. Nous faisons l’hypothèse que les médecins atteindront à 80 % les résultats du volet « organisation et informatique » et à 50 % les résultats de la prévention et suivi des pathologies chroniques. Notre but, c’est de trouver un équilibre qui fasse progresser la qualité tout en permettant aux médecins d’être rémunérés.
Comment allez vous « vendre » le P4P sur le terrain ?
Nous préparons une plaquette pédagogique sur la convention, avec un volet spécifique sur la rémunération. Nous allons privilégier les contacts personnalisés avec les médecins. Le 29 septembre, j’installe la commission paritaire nationale, puis les commissions paritaires régionales et locales. Nous présenterons à cette occasion le contenu du dossier que les délégués de l’assurance-maladie [DAM] présenteront aux généralistes puis aux spécialistes, entre le 15 octobre et le 15 décembre. Un millier de DAM vont être mobilisés pour rencontrer 60 000 généralistes. Nous serons prêts au 1er janvier 2012.
En deuxième niveau, au premier semestre 2012, il y aura des entretiens confraternels, avec les médecins conseils, pour évoquer les leviers d’amélioration des pratiques et les problèmes sur des cas particuliers.
Nous tablons sur un rejet marginal de ce système par points. Les médecins ont tout intérêt à y entrer. L’enjeu pour nous, c’est la dynamique collective.
Quand interviendra le versement des premières primes ?
Le nouveau système sera mis en œuvre au 1er janvier 2012. Les premières primes seront versées en avril 2013, après évaluation de la première année, puis en une seule fois, annuellement. Comme l’assurance-maladie tient ses promesses, la CNAM honorera aussi les primes du contrat « CAPI » signé pour trois ans. Nous ne remettons pas en cause les anciens contrats signés.
Avez-vous déjà rencontré les éditeurs de logiciel ?
Nous avons pris contact avec eux. Mis à part les logiciels d’aide à la prescription qui nécessitent une validation de la Haute autorité de santé (HAS), les fonctionnalités devraient être opérationnelles à partir du 1er janvier 2012. Il faut permettre aux praticiens de calculer les indicateurs déclaratifs de façon automatisée. Les médecins ne feront pas ces calculs à la main. Le volet médical de synthèse devra aussi être normalisé assez vite (1).
Quelle sera la part de la rémunération à la performance dans le total des revenus des médecins ?
Cela dépendra de l’engagement de la profession mais nous estimons que le P4P pourrait atteindre 15 à 20 % à terme de leur rémunération.
La rémunération à la performance peut-elle se substituer au paiement à l’acte ?
Non. Cela dépendra des décisions que les gouvernements futurs prendraient mais dans le cadre de la négociation conventionnelle, les syndicats de médecins restent attachés à une rémunération à l’acte. J’y suis également attaché car il apporte une certaine productivité au système. Je pense toutefois qu’il est nécessaire d’équilibrer par des éléments incitatifs à la qualité.
Le C a-t-il encore vocation à augmenter ?
Le paiement à l’acte augmentera plus facilement sous forme de consultations longues ou à valeur ajoutée en fonction des besoins des patients. Quand le médecin passe plus de temps dans certains cas, cela nécessite une rémunération plus importante.
Le député UMP de l’Hérault, Jacques Domergue, propose de mieux rémunérer les consultations qui ne donneraient pas lieu à une ordonnance. Y êtes-vous favorable ?
On voit l’idée mais aussi la difficulté de la mettre en œuvre. Cette mesure ne peut pas s’appliquer au suivi de patients qui ont des pathologies lourdes. Il faut veiller à ce que cette proposition n’aboutisse pas à une réduction des prescriptions utiles. L’objectif est de diminuer les prescriptions inutiles et mal ajustées sans risque de perte de chance pour le patient. Ce n’est pas la première fois qu’une telle proposition est faite et je ne sais pas si juridiquement elle est valide du fait de la liberté de prescription des médecins.
Quid de la taxation des feuilles de soins papier, prévue par la loi, à négocier avant le 30 septembre ?
J’ai envoyé un projet d’avenant aux syndicats de médecins (lire par ailleurs). Je leur propose de transformer une taxe mécanique, un peu aveugle, en un dispositif conventionnel qui se mettrait en œuvre au cas par cas. Cela permettra une marge d’appréciation…
(1) À lire : un dossier sur les logiciels face à la convention dans notre supplément « Informatique et Web » du 29 septembre.
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