L’OUVRAGE dirigé par les sociologues Géraldine Bloy (université de Bourgogne) et François-Xavier Schweyer (École des Hautes Études en santé publique, EHESP)* propose un regard très complet sur la médecine générale mais aussi donne des clés de compréhension d’un système en pleine transformation. « La médecine générale est un bon traceur de l’évolution des professions de santé en général », indique au « Quotidien » François-Xavier Schweyer. La spécificité des généralistes, qui « n’ont pas le confort des spécialistes », apparaît peu : « Le discours public est le même pour tous », car le système de santé est plus pensé « sur le modèle des professions que comme un système d’action ».
Premier constat, « la médecine générale reste assez mal connue dans l’activité quotidienne », estime le sociologue, qui en souligne d’ailleurs la très grande variabilité. Deuxièmement, le généraliste a « des idéaux contradictoires, entre son désir d’être autonome, sans hiérarchie au-dessus de lui, et son besoin, pour tenir le choc, de travailler avec d’autres ». La troisième remarque concerne « un certain décalage entre la représentation de la profession et la base ». Bien que la profession ait une « présence très active », François-Xavier Schweyer note une certaine forme de défiance vis-à-vis de ses représentants, lesquels se situent plus dans une logique de contre-pouvoir. « Le registre est trop politisé et à court terme. Car même si la consultation est revalorisée, les problèmes de fond (organisation et conditions de travail) ne changent pas : les généralistes, qui ne sont pas tous des entrepreneurs, ont un sentiment d’abandon et ne se sentent pas épaulés. »
Un partenariat déjà ancien.
Le projet du livre « Singuliers généralistes » est né dans le prolongement d’un colloque qui associait sociologues et médecins généralistes, à Rennes en 2006. Mais le partenariat entre les deux professions remonte déjà à une dizaine d’années. « Les médecins généralistes invoquent souvent le manque de temps. Même si c’est vrai, c’est aussi un argument de protection. Mais dès lors qu’on arrive à les intéresser, ils participent volontiers à ce genre de projet. » Est-ce toutefois légitime que ce soient des sociologues qui parlent de la médecine générale ? Oui, répond François-Xavier Schweyer, « car ce n’est pas un livre de médecine générale mais sur la médecine générale ».
L’ouvrage, qui s’est enrichi de diverses contributions fondées sur des enquêtes sur le terrain, se présente en quatre parties : les médecins généralistes en France (historique, démographie, activités et pratiques professionnelles, rémunération), les « flous du métier » (face à la souffrance psychique ou encore à l’abord de la sexualité, par exemple), la place du généraliste dans le système (avec notamment les ambivalences du « généraliste pivot » et leur rôle dans les réseaux de santé) et les dynamiques et réformes de la médecine générale (féminisation, syndicalisme, choix de l’installation).
* « Singuliers généralistes - Sociologie de la médecine générale », sous la direction de Géraldine Bloy et François-Xavier Schweyer, Presses de l’EHESP (presses.ehesp.fr), 424 pages, 30 euros.
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