LES MÉDECINS DE L’ÉDUCATION NATIONALE ont fait front commun, mardi dernier, pour expliquer les raisons de leur colère. Médecins scolaires, conseillères techniques, retraitées vacataires... Pas moins de 10 représentantes (la profession est à 90 % féminine) des 3 syndicats* s’étaient réunies avant le coup d’envoi de la manifestation pour dénoncer l’« asphyxie, l’étouffement » de leur métier.
L’enjeu principal de cette journée d’action ? Obtenir l’application d’un décret, qui aurait dû paraître fin 2011, destiné à « dynamiser les carrières » selon les termes du Dr Corinne Vaillant, secrétaire générale du SNMSU-UNSA. Le texte entérinerait une modification « a minima » de la grille indiciaire fixée en 1991 (lire tableau), avec une revalorisation des salaires des médecins de 2e classe et des promotions plus rapides en 1re classe, dans un esprit d’alignement sur les médecins inspecteurs de santé publique. Une mesure déjà préconisée par le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2011 et par celui du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale de novembre.
Moins qu’un interne.
« Il est anormal qu’un médecin de l’Éducation Nationale, après 9 ou 10 années d’étude, un concours professionnel, une formation spécifique à l’École des Hautes Études en santé publique (EHESP) et un an de stage soit embauché à un salaire inférieur à celui d’un interne de médecine générale en dernière année », dénonce le Dr Vaillant. De fait : un interne de 5e année gagnait 25 348 euros par an au 1er juillet 2010, soit plus de 2 100 euros mensuels, contre 1 754,88 euros brut pour un médecin scolaire en début de carrière. Les perspectives d’avancement sont limitées et peu attractives : au plus haut de l’échelle un conseiller technique peut espérer gagner 3 800 euros brut. S’il souhaite retourner en médecine générale, on considère qu’il n’a pas acquis de compétences de santé publique. « Est-ce juste qu’en fin de carrière un médecin de prévention s’occupant des enfants soit moins rémunéré qu’un médecin de prévention destiné aux personnels lors de son recrutement ? Est-ce juste que la chance d’évolution de carrière en grade soit de 1/10 si un médecin reste dans l’Éducation et 1/3 s’il sollicite un détachement n’importe où ailleurs ? » s’interrogent les syndicalistes.
Hémorragie démographique.
Ce manque d’attractivité se traduit par la désaffection du métier, malgré l’intérêt de la profession.
À la rentrée 2011, 220 postes étaient vacants. Du coup, seuls 1 228 médecins de l’éducation Nationale étaient présents auprès des 12 millions d’élèves, selon les chiffres des syndicats.
Sur le terrain, les professionnels sont contraints de faire « de la gestion de la pénurie », résume Marie-Christine Veneau, secrétaire générale de SMEDEN-F0. « En Seine-Saint-Denis, nous comptons 24 postes vacants, soit plus de la moitié des postes titulaires », témoigne Jocelyne Grousset, qui exerce à Pantin. « Les vacataires, payés 20 euros de l’heure, s’en désintéressent car ils sont rémunérés aux alentours de 38 euros au centre municipal de santé et 50 euros à la Protection maternelle et infantile (PMI) », poursuit-elle. Solidaire, le Dr Pierrette Salvaing, pourtant retraitée, a décidé de reprendre du service, une journée par semaine, dans le département. Même refrain dans le territoire de Belfort : Sylvie Graille, conseillère technique auprès du rectorat, a un poste vacant et aucun candidat. Elle s’est résolue à couvrir elle-même un petit secteur, lorsque ses collègues voient leur zone d’activité s’étendre jusqu’à 4 lycées et 6 collèges !
Dans ces conditions, les médecins scolaires ne parviennent pas à assurer leurs missions qui ont augmenté de 68 % ces dernières années. Beaucoup ont dû abandonner le bilan de santé à 6 ans, aujourd’hui réalisé à 20 %, au profit des examens à la demande.
Soutien de Hollande.
Une revalorisation de la grille tarifaire serait donc, selon ces médecins, un minimum pour séduire les étudiants, alors que 42 % des professionnels actuellement en poste seront à la retraite d’ici à 5 ans, sans compter ceux qui choisiront d’autres structures salariales. « Les ministères de la Fonction Publique et de l’Éducation Nationale se sont montrés persuadés de la légitimité de nos demandes et se sont engagés à mettre tout en œuvre pour une signature du décret fin avril », veut croire le Dr Corinne Vaillant, à l’issue de la réunion entre syndicats et tutelles. « Nous restons néanmoins vigilants aux termes qui seront employés », poursuit-elle. Les médecins scolaires en colère ont reçu le soutien de François Hollande. Vincent Peillon, responsable du pôle éducation de l’équipe socialiste, et Marisol Touraine, à la Santé, rappellent que sur les « 60 000 postes dont (il) a annoncé la création pour l’Éducation, une part significative sera consacrée à la santé scolaire ».
Autant d’encouragements bienvenus pour les syndicats. Mais ils espèrent au-delà des discours l’amorce d’une réflexion de fond pour sauvegarder la médecine scolaire.
*Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU–UNSA Éducation), Syndicat National Autonome des Médecins de Santé Publique de l’Éducation Nationale (SNAMSPEN-UCMSF), et Syndicat des médecins de l’Éducation Nationale Force Ouvrière (SMEDEN-FO)
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