C’EST UN FLEUVE de données qui alimente le SNIIR-AM, le Système national d’information interrégimes de l’assurance-maladie. Et qui prend sa source dans le 1,1 milliard de feuilles de soins annuelles émis par les professionnels de santé. Cette gigantesque base de données de 100 téraoctets (1 téraoctets = 1 000 milliards d’octets, à titre de comparaison le contenu d’une bibliothèque universitaire représente 2 To) concerne 60 millions d’individus. Elle s’est constituée progressivement entre 2002 et 2006, bien à l’abri dans les serveurs du centre informatique de la CNAM à Évreux. D’abord, à l’usage des régimes obligatoires pour la surveillance de la consommation de soins. Mais dès 2002, un arrêté a prévu d’en autoriser l’accès aux agents des ministères, aux agences sanitaires, aux représentants des professions de santé (qui alimentent la base). Puis, à partir de 2005, aux membres de l’Institut des données de santé (IDS) et progressivement à d’autres institutions.
C’est ainsi que l’assurance-maladie a pris l’habitude de voir se développer « l’utilisation de ses bases de données au-delà de ses besoins propres », comme l’explique Dominique Polton, directrice de la stratégie des études et de la statistique à la CNAM. Le SNIIR-AM concentre aujourd’hui des données de plus en plus riches (voir encadré) : « Nous avons développé des algorithmes qui permettent de repérer les maladies, explique Mme Polton. Ce qui a permis, par exemple, de constituer, en collaboration avec l’InVS (Institut de veille sanitaire), la HAS (Haute Autorité de santé), l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et le RSI (Régime social des indépendants) un échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques.
Initié en 2001-2003, le projet ENTRED achève sa deuxième phase (2007-2010). « Entre les deux enquêtes, souligne Françoise Weber, directrice générale de l’InVS, on a mis en évidence une amélioration de la prise en charge mais aussi une progression de l’obésité de 7 points en six ans »* Autre projet : compléter les registres de cancer, qui ne couvrent que 20 % de la population, en croisant les données issues de la base ALD et du PMSI. L’InVS travaille à l’élaboration des algorithmes de repérage des nouveaux cas de cancer sur les années 2006-2007 et 2008.
Des cohortes de grande taille
Les données personnelles permettent, enfin, de constituer des cohortes de grande taille. En 2007, en collaboration avec l’AFSSAPS, c’est une cohorte de 5 millions de jeunes filles vaccinées ou non contre le cancer du col qui a été mise en place. À partir de 2010, l’InVS constitue une cohorte de 35 000 actifs affiliés à la MSA pour surveiller les risques professionnels dans le secteur agricole.
« Nous avons fait beaucoup de progrès dans la surveillance des maladies chroniques et infectieuses, estime Françoise Weber, l’ouverture du SNIIR-AM est essentielle pour poursuivre dans cette voie. » Pour mieux répondre à ses missions en situation de crise, l’InVS souhaiterait disposer d’un accès en routine aux données individuelles les plus intéressantes pour la surveillance sanitaire, sans être obligée de demander une autorisation à chaque projet, ce qui ralentit sa réactivité. « On travaille avec la CNIL (commission Informatique et Libertés) à améliorer nos conditions d’accès, cela va dans le bon sens » souligne Mme Weber.
Rançon de son succès auprès des épidémiologistes, le SNIIR-AM se trouve confronté à des problèmes d’engorgements. « Nous sommes en train de nous renforcer en moyens humains pour faire face à la demande externe en santé publique » assure Mme Polton. Dans sa direction de 75 personnes, un quart s’occupent de la maintenance du système. Après le démarrage de l’IDS, les assurances complémentaires, qui en font partie, vont avoir accès elles aussi aux données agrégées (via l’UNOCAM). L’IDS a rédigé un livre blanc pour demander l’ouverture de la base à des sociétés privées, dès lors que l’étude concerne la santé publique (« le Quotidien » du 6 septembre) et préconise une extension de la durée de conservation des données du SNIIR-AM d’un an supplémentaire. Actuellement, un an de données sont supprimées chaque nouvelle année, au grand dam des épidémiologistes. L’IDS a demandé conseil à la CNIL, qui ne s’opposerait pas à cet allongement de l’historique.
* BEH n° 42-43 du 10 novembre 2009.
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