Et si les médecins quittaient vraiment la Sécu ? Pour les fêtes de fin d’année, « le Quotidien » s’est livré, avec tout le sérieux requis, à une enquête-fiction. Nous avons interrogé des responsables de l’Assurance-maladie, des syndicats, des parlementaires, des associations de patients… et des médecins dont les réponses ont alimenté les étapes imaginaires de notre scénario-catastrophe. Que tous ceux qui nous ont aidés à bâtir cette fable soient ici remerciés.
RÉSUMÉ DE L’ÉPISODE 4 : Face à la désorganisation générale de l’offre de soins, l’armée a été appelée en renfort à la fin du mois de janvier 2017.
Au CISS (collectif interassociatif sur la santé), à l’UFC-Que choisir santé, dans l’ensemble des associations de patients, mais aussi dans toutes les organisations syndicales, c’est la même montée en ébullition contre « ces médecins qui prennent les patients en otages ».
« Les patients refusent de payer pour les conflits qui opposent les praticiens à la Sécu et aux mutuelles », s’indigne Marc Paris (CISS), qui rappelle que l’opinion avait plébiscité la généralisation du tiers payant.
Plus un jour ne passe sans de nouvelles manifs explosives, à Paris comme dans les départements. Avec l’irruption de groupes de casseurs, des scènes de guérilla urbaine se multiplient. La plupart des parlementaires, dans la majorité comme dans l’opposition, joignent leurs voix à celles des associations protestataires : « Le déconventionnement massif constitue une prise d’otage sans précédent, inouïe, des patients cotisants, dénonce le Dr Gérard Bapt, député PS. Le désespoir des protestataires ne saurait légitimer leur mouvement. »
« Les réactions violentes des assurés sociaux sont parfaitement légitimes, renchérit le Dr Jean-Pierre Door, député Les Républicains, mais cette crise devient chaque jour plus dangereuse pour notre modèle social et pour notre système de santé qui venait encore le mois dernier d’être classé en haut du tableau de l’OCDE, pour la plupart des critères. C’est maintenant au gouvernement de prendre ses responsabilités. Sauf à laisser le pays chavirer dans l’insurrection générale. »
Le 3 février 2017...
« Le Parisien » publie une enquête fracassante qui conclut qu’en moins de deux semaines une dizaine de personnes auraient trouvé la mort faute d’avoir pu accéder à temps aux services d’urgence complètement saturés. « Bande d’autistes ! », fulmine un éditorial signé du Dr G.K., à la une du « Quotidien », renvoyant au président de la République et à sa ministre de la Santé la responsabilité du « coulage de la médecine à la française ».
Le 6 février 2017...
Sur fond d’émeutes de plus en plus nombreuses et de plus en plus violentes, des libéraux tentent encore de rallier l’opinion à leur cause. Porte-drapeau de l’UFML, le Dr Jérôme Marty organise des opérations « 1 C pour 1 poulet » : renvoyant aux temps immémoriaux (avant 1945) où les médecins étaient payés en nature lorsqu’ils faisaient leurs visites dans les fermes désargentées, il veut rappeler que les déconventionnés restent attentifs aux difficultés de leurs patients et que tous ceux qui sont dans l’impossibilité de régler les honoraires libres sont pris en charge gracieusement, selon les termes du serment d’Hippocrate. À la fin d’une de ses harangues, le Dr Marty, conspué, est victime d’un tir d’œuf en plein visage, il est exfiltré de justesse dans la mêlée par les forces de l’ordre.
Invitée du 20 heures de David Pujadas à la sortie du conseil de crise qui vient de se tenir à l’Élysée, Marisol Touraine, livide, lance « un appel solennel aux médecins pour sauver le modèle social français. La force de la santé en France, c’est que, évidemment, les Français soient remboursés lorsqu’ils vont chez leur médecin ». Mais elle ne lâche rien.
Plutôt que de décréter les réquisitions ou d’ouvrir les vannes du remboursement au secteur 3, le gouvernement mise sur la pression populaire, il adjure les déconventionnés d’envoyer à leur caisse une lettre pour réintégrer la convention, condition mise pour que soient engagées sans délai des négociations sur le tiers payant et le C.
Pendant ce temps, les ordinateurs des sociétés privées d’assurance moulinent à plein régime pour dessiner les contours des nouveaux contrats des sur-complémentaires. Le modèle français va-t-il chavirer et être submergé par le modèle américain ?
À suivre…
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