LA NOUVELLE convention a beau avoir généralisé le paiement à la performance en médecine de ville, ce système de rémunération sur objectifs de santé publique reste controversé.
Ancien directeur général de la Haute autorité de santé (HAS), Alain Coulomb a présenté le premier livre blanc sur le P4P, depuis sa genèse (le CAPI, contrat d’amélioration des pratiques individuelles) à son évolution conventionnelle. Son jugement personnel est plutôt favorable. « Signé par 15 000 médecins, le CAPI amorçait une évolution intelligente, soutient Alain Coulomb. Le P4P va plus loin en se mettant un peu plus à la page des pathologies chroniques ». Un diagnostic confirmé par le Dr Pierre De Haas, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS) pour qui « ces 29 indicateurs qualité ont un rôle important à jouer dans le développement des pôles et maisons de santé ».
Mais le dispositif reste critiqué. Le choix des indicateurs, les risques de conflit d’intérêt préoccupent les observateurs et praticiens concernés. Près d’un tiers des points à récolter par les médecins est consacré aux indicateurs d’organisation du cabinet : bonne tenue du dossier médical informatisé (assortie d’une synthèse annuelle pour le médecin traitant), utilisation d’un logiciel de prescription certifié, télétransmission et affichage des horaires de consultation. « C’est là que ça pêche le plus, argumente Pierre de Haas. Pour les médecins, ces indicateurs extra-médicaux les coupent un peu plus de leur patient ».
Stress et crainte.
Le système reste parfois perçu comme une usine à gaz. Si des médecins libéraux sont « entrés en résistance », c’est faute d’accompagnement et de pédagogie, explique le Dr Pierre de Haas. « Interrogés sur leur perception du P4P, les médecins de cinq maisons de santé de l’Ain n’ont eu que deux mots à la bouche : stress et crainte ». À l’origine de cette angoisse, la capacité du terrain à s’approprier le dispositif et les objectifs. En matière de prévention par exemple, le P4P durcit certaines règles du jeu avec des critères médicaux qui restent discutés : limiter à 12 % la proportion de patients nouvellement traités par benzodiazépines pour plus de trois mois ; ou encore 37 % de prescriptions par antibiothérapie pour les patients de 16 à 65 ans hors ALD.
Selon Alain Coulomb, ce qui irrite les médecins dans cet « arsenal forcené », c’est le pouvoir accru qu’il confère à l’assurance-maladie. En avril 2011, la CSMF, l’Ordre et le LEEM (Les entreprises du médicament) s’interrogeaient sur la légitimité juridique, médicale et médicoéconomique du CAPI et l’« excès de pouvoir » du patron de l’assurance-maladie. Ces craintes ne sont pas dissipées. Fustigeant « la superbe ignorance dans laquelle les partenaires conventionnels tiennent la légitimité scientifique de la HAS » à définir ces indicateurs, Alain Coulomb souligne qu’une « saisine incontournable » de son ancienne maison est à prévoir. Pour le Dr de Haas cette mainmise de l’assurance-maladie n’est « pas vraiment saine ».
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur