L'Ordre est-il défaillant dans le traitement des plaintes des patients ? La réponse est oui pour la Cour des comptes qui accuse l'instance, dans un rapport au vitriol, d'un « manque chronique de rigueur » dans cette mission sensible.
De façon générale, la Cour constate des « dysfonctionnements » dans le traitement des plaintes par les chambres disciplinaires et une « mauvaise gestion » des signalements. Les principaux motifs de plainte concernent la qualité des soins (40 %), le comportement des médecins vis-à-vis des patients ou de tiers (30 %), la rédaction de certificats (25 %), des questions de confraternité (17 %) ainsi que des litiges liés à la publicité, au non-respect du secret professionnel ou aux honoraires.
En 2017, l'Ordre a enregistré 8 916 signalements (dont 80 % de patients) et effectué 2 305 conciliations. Des chiffres « peu fiables » pour la Cour, en particulier à cause de la requalification de certaines plaintes en « doléances », un « statut litigieux » non soumis à conciliation. Conséquence : seuls 22 % des courriers des patients signalant des problèmes avec leur médecin sont qualifiés de plaintes et traités comme tels. « Les conseils [ordinaux] qui déclarent une plainte infondée ou irrecevable outrepassent leurs missions », gronde la Cour. Les « sages » de la rue Cambon fustigent également l’absence de poursuites disciplinaires à l'égard de médecins « ayant fait l'objet de doléances, de signalements ou de plaintes (...), condamnés au pénal ou placés sous contrôle judiciaire pour des faits en lien avec leur exercice ».
Plus grave, ces pratiques ordinales qui « suscitent des interrogations » concernent parfois des affaires relatives à des viols et agressions sexuelles sur patients ayant conduit à la condamnation pénale. La Cour évoque le cas d'un gynécologue francilien qui a fait l'objet d'une première plainte en 1988 pour viols et agressions sexuelles. La saisine de la chambre disciplinaire n'a eu lieu que 18 ans après et sa radiation… 25 ans plus tard. Au final, sur les 150 plaintes enregistrées entre 2014 et 2017 pour des faits à caractère sexuel dans les chambres disciplinaires de première instance, 43 % ont fait l’objet d’un rejet. Et sur les 57 % restants, 11 % ont abouti à des avertissements ou des blâmes, 12 % à des radiations et 29 % à des interdictions d'exercice avec sursis.
Le « manque de diligence » ordinale est souvent lié à la non-transmission aux chambres disciplinaires de faits similaires antérieurs ou simultanés mettant en cause les professionnels.
« Généralisation abusive »
L'Ordre s'élève contre la « grave insinuation » de la Cour selon laquelle il manifesterait « une mauvaise volonté à donner des suites disciplinaires aux plaintes reçues ». « Je n'ai jamais nié les difficultés, se défend le Dr Patrick Bouet, président du conseil national (CNOM) interrogé par « Le Quotidien ». Ce n'est pas parce qu'il y a 50 cas de dysfonctionnements [chiffre rapporté par la Cour, NDLR] que l'Ordre fonctionne mal. Je rejette cette généralisation abusive ».
L'Ordre fait valoir qu'il traite des milliers de signalements chaque année et gère 1 000 plaintes au disciplinaire. L'institution affirme aussi que « l'ensemble des plaintes et doléances qualifiables de plaintes donnent bien lieu à instruction, et, à défaut de conciliation, à transmission aux chambres disciplinaires, particulièrement pour les plaintes en matière d'abus sexuels ». « La Cour a été mal inspirée dans son analyse, martèle le Dr Bouet. Depuis mon élection en 2013, l'Ordre mène de façon résolue une action plus pugnace, à la fois dans l'information professionnelle et dans les décisions prises ».
Le président de l'Ordre assure qu'il veille à l'accueil et à l'accompagnement des plaignants. « Nous travaillons aussi avec le Conseil d'État pour avoir la bonne définition de la plainte, du signalement, de la doléance », assure le généraliste de Villemomble.
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