L'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le bulgare Evgeni Tanchev, a rendu un avis très attendu : il estime que la France ne peut s’opposer à l’importation, en provenance d’un autre État membre, d’huile de cannabidiol extraite de l’intégralité de la plante de chanvre. Si ces conclusions sont confirmées par la Cour en septembre prochain, cela remettra fortement en question la capacité de la France à interdire la vente de produits contenant du CBD.
Un danger qui reste à prouver
Alors que de nombreux patients atteints de douleurs réfractaires ou souffrant de spasticité se procurent de tels produits en automédication, de nombreux entrepreneurs avaient tenté de commercialiser des huiles, des liquides pour cigarettes électroniques et produits comestibles contenant du CBD.
Ces expériences ont été brutalement interrompues par le gouvernement en juin 2018, en partie sur la base de la législation qui interdit la vente de tout produit extrait de plante contenant du THC (seul cannabinoïde inscrit sur la liste des produits stupéfiants), même si le produit final n'en contient pas. Pour Evgeni Tanchev, le droit français n'est pas compatible avec le droit européen, car il faut que l'interdiction soit motivée par un risque de santé publique avéré, lié à la consommation de CBD.
Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et partisan de la légalisation du cannabis thérapeutique et des produits contenant du CBD, Yann Bisiou reste prudent. « Sur ce dossier, l'interprétation des droits fondamentaux de l'Union Européenne par la Cour pourrait être différente de celle de l'avocat général, estime-t-il. Si l'avocat général reconnaît qu'un État peut être plus exigeant que le reste de l'Union Européenne et limiter la circulation d'un produit, il précise aussi qu'il lui faut apporter la preuve du risque de santé publique. Or aucun risque n'est pour l'instant associé au CBD. »
À l’origine de cette préconisation : le procès emblématique de Kanavape, une entreprise marseillaise jugée pour avoir lancé une cigarette électronique au CBD. Si la Cour europénne suit les préconisations de l'avocat général, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence cassera la condamnation en première instance des deux cofondateurs de Kanavape, à respectivement dix-huit et quinze mois de prison avec sursis et à 10 000 euros d’amende. Une telle décision aurait un retentissement devant d'autres affaires en suspens.
Plusieurs procès impactés
« Il y a un vrai concours de lenteur dans cette affaire, regrette Yann Bisiou. Les juges aimeraient que l'État réglemente le commerce du CBD. Des gens ont été mis en garde à vue, et ont eu des contraintes pénales et juridiques dans un cadre légal qui n'est manifestement pas clair ». Yann Bisiou estime en outre que les conclusions de l'avocat général de la CJUE constituent un signal fort à l'intention de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et du ministère de la justice. « Il ne faut pas qu'ils tardent à donner un cadre légal à la vente, car si la Cour européenne suit les préconisations de l'avocat général, un marché non régulé va se mettre en place », prévient-il.
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