# 4 : Aider

Telma serre la main de Cara, mais la tension est palpable.

— Bienvenue, dit l’épouse. Je préfère être honnête, vous êtes là grâce à mon mari. Hans m’a garanti que vous étiez inoffensive et que vous m’expliqueriez vous-même les raisons de votre emprisonnement.

Le politicien détaille les deux femmes qui se font face.

— Bien, vous avez beaucoup de choses à vous dire. Je vous laisse.

— Hans, l’interpelle Cara d’un air préoccupé. Est-ce que la panne va durer longtemps ?

— Je n’en sais rien, chérie. Ils sont à pied d’œuvre pour y remédier, mais…

— Il faut que ce soit réparé ! C’est imminent !

La panique affleure dans sa voix. Telma observe avec attention la femme enceinte ; les mains protectrices posées sur son ventre, l’essoufflement, la position voûtée… Aussitôt, ses réflexes reviennent. Elle soutient le coude de Cara et lui montre le rocking-chair :

— Vous devriez vous rasseoir.

La jeune femme l’observe avec surprise ; pourtant, elle ne s’oppose pas à ce qu’elle l’accompagne jusqu’au siège. Hans caresse la joue de son épouse.

— Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que l’électricité revienne. En attendant, parle avec Telma et ensuite, tu te reposes, d’accord ?

Au moment de quitter la pièce, l’homme s’arrête et, après un regard à l’ancienne détenue, annonce :

— Tout va bien se passer, maintenant.

La quinquagénaire ignore ce qui lui vaut cet excès de confiance, mais le sentiment est grisant. Cet homme est prêt à lui confier sa femme et son bébé, cela la touche plus qu’elle ne pourrait le dire.

Cara fixe Telma avec intensité. Cette dernière lui offre un sourire timide :

— Vous voulez connaître la raison de mon arrestation ?

— J’ai surtout besoin de savoir qui vous êtes. Hans ne jure que par vous. Je connais sa vision humaniste du monde, mais j’ai besoin de me faire mon propre avis.

— Ce que j’ai fait est intimement lié à ce que je suis. Bien qu’on ait essayé d’extraire jusqu’à mon essence même, je suis Telma Ronsard et je le serai jusqu’à ma mort. Je ne suis pas un numéro, ni une victime, ni une criminelle… J’ai été enfermée pour avoir aidé mon prochain. Tout ça, parce que j’avais – et j’ai toujours – l’intime conviction que les générations futures sont la promesse d’un jour meilleur et qu’il faut leur montrer le bon exemple. Parfois, ce n’est pas notre cerveau qui doit dicter nos actes, mais notre cœur.

— Votre cœur vous a mené en prison ?

— Sans doute, oui. Je ne tolérais pas qu’un mur m’empêche d’exercer mon métier ou détermine si on a le droit d’être secouru ou pas. J’avais fait le serment de soigner mon prochain et c’est ce que j’ai fait !

Telma s’emporte, sentant monter en elle ses révoltes endormies qui ne demandaient qu’à être ravivées.

— Vous étiez médecin ?

— Sage-femme. Je le suis toujours. Personne ne pourra me l’enlever.

Cara écarquille les yeux.

— Et activiste, par la force des choses, ajoute Telma. J’avais fondé un groupe composé de gens aussi révoltés que moi par ce système : d’un côté de ces foutus Murs, des personnes en souffrance et de l’autre, une société nous préférant des machines. Nous avions commencé à faire des expéditions nocturnes… Au cours de l’une d’elles, une femme s’est présentée à moi. Le travail avait commencé, elle souffrait, il y avait des complications… J’ai incité les autres à rentrer, mais moi, je suis restée. Cette nuit-là, j’ai sauvé la vie de la mère et du bébé. Sur le chemin du retour, une milice en maraude m’a arrêtée.

Cara attrape la main de Telma.

— Est-ce que vous le regrettez ?

— Pas une seconde.

Laureline Maumelat a commencé, depuis quelques années, à participer à des concours de nouvelles, notamment sur le site Short Édition, avant de se lancer plus récemment dans la rédaction de textes longs. Elle a publié en 2019 un roman sous le nom de plume Laureline Eliot : VertiG. Elle se plait à jongler avec différents genres, de la romance au contemporain, en passant par la fantasy.