Telma

#  6 : Le flambeau

Publié le 13/02/2020
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Telma a pris ses marques et se rapproche de Cara Kolsky, la jeune épouse enceinte. Hans l’invite à une réunion secrète visant à organiser les futurs projets de l’homme politique : la chute des Murs et le retour l’humain au cœur de la société…

Bien qu’elle soit libre de flâner en ville, Telma a du mal à apprécier l’instant. Elle marche dans des rues qu’elle ne reconnaît pas, dans une société qui ne lui convient pas. Telma longe les Murs pendant un long moment, observant les gardes en faction. Elle se sent tout aussi prisonnière, ici, finalement. Ses pensées vagabondent vers la réunion de ce matin.

Hans lui propose d’agir. Il l’encourage à rejoindre ses partisans et à reprendre son action là où elle l’a laissée. Oscar l’a poussée à y réfléchir. Il a repris le flambeau après son arrestation, et savoir que son action n’a pas été vaine a bouleversé Telma. Il est certain que se rebeller est plus que jamais indispensable.

Pourtant, en sortant de prison, elle pensait se réinsérer sans faire de vague… Ou alors agir à son échelle, modestement. En toute légalité. Elle n’est pas certaine de supporter une minute de plus en cellule. Elle approche de la soixantaine, sa jeunesse s’est envolée depuis longtemps ! Oh, bien sûr, le feu sacré brûle toujours en elle – il ne s’éteindra jamais –, et les mots prononcés dans le bureau de Kolsky résonnent en elle, mais en a-t-elle encore la force ?

Et si elle se contentait d’œuvrer en coulisses ? Prodiguant conseils et stratégie ? C’est envisageable. Mais – et elle croit qu’elle a déjà la réponse à cette question –, n’a-t-elle pas plutôt envie de retourner sur le terrain ? Être celle qui accueillera les bébés et leur offrira un sourire, de la douceur avant la fureur ? Toucher le ventre de Cara, sentir le fœtus bouger et entendre les pulsations de vie a été comme recevoir un nouveau souffle.

De retour à l’appartement, Hans ne lui laisse même pas accrocher son manteau sur la patère.

— Cara a des contractions.

— Il faut partir à l’hôpital, dans ce cas.

— J’ai appelé une ambulance, ils ont des générateurs de secours solaires, déclare Hans, mais vous pourriez peut-être vous assurer que tout va bien.

La sage-femme accepte, puis se lave les mains avec soin.

— Avant que j’oublie… commence Hans en lui offrant une carte postale d’un coucher de soleil. Pour que vous vous sentiez chez vous.

Touchée, Telma balbutie un merci.

— Nous avons une tradition à perpétuer, reprend-il, avec un clin d’œil, ce n’est pas parce que vous n’êtes plus en prison que je dois arrêter.

— C’était vous ? comprend la sage-femme. Comment…

— Au début, il s’agissait de ma mère. Une femme qui ne vous a vue qu’une fois, mais pour qui ce fut une rencontre déterminante, puisque vous lui avez sauvé la vie, à elle et à son bébé. Moi. Un peu avant son décès l’an dernier, elle m’a raconté cette histoire et le rôle que vous y avez joué. Elle m’a aussi expliqué pour les lettres. Alors, je me suis renseigné sur vous et j’ai retracé votre parcours. À l’hôpital, j’ai rencontré Oscar qui m’a parlé de votre engagement et de votre groupe. J’ai tenté de vous faire sortir plus tôt, mais ça n’a pas été possible. Bref, je tenais à vous remercier.

— Vous l’avez déjà fait, grâce aux cartes. Quant à moi, je ne faisais que mon travail. À ce propos, je dois aller voir la future maman.

Après avoir examiné Cara, Telma rejoint Hans qui est en train de réunir les affaires du bébé :

— Laissez cela. J’ai besoin de votre aide.

— Maintenant ?

La sage-femme lui sourit, retrouvant cet instant où la vie des gens qu’elle assiste s’apprête à basculer. Dans un maelstrom d’émotions, elle va mettre un enfant au monde et il n’y a rien qui puisse la rendre plus heureuse. C’est sa mission.

Avec ce bébé, Cara et les ambitions de Hans, c’est un nouveau départ. Une nouvelle vie pleine de promesses.

— Maintenant

Prochaine histoire courte dans notre édition du 20 février

Laureline Maumelat a commencé, depuis quelques années, à participer à des concours de nouvelles, notamment sur le site Short Édition, avant de se lancer plus récemment dans la rédaction de textes longs. Elle a publié en 2019 un roman sous le nom de plume Laureline Eliot : VertiG. Elle se plait à jongler avec différents genres, de la romance au contemporain, en passant par la fantasy.

Laureline Maumelat

Source : Le Quotidien du médecin