# 5 : La réunion

Telma plie son pyjama et fait son lit avec soin. Une nouvelle fois, elle a eu du mal à dormir dans cet environnement silencieux ; sans le bruit des autres détenues, les chuintements du chauffage et les contrôles impromptus… Les habitudes ont la vie dure.

Si les nuits s’avèrent mouvementées, les jours, eux, sont une respiration. Cara et elles s’entendent bien. Peu à peu, un rapport de confiance s’est établi. Telma s’active à soulager au maximum la jeune femme, en cuisinant – malgré ses piètres talents –, et en nettoyant l’appartement. Et après deux jours à observer la quinquagénaire remplacer tous les appareils ménagers inutilisables à cause de la panne, Cara s’est mise à lui parler. Elle lui a fait un bilan de ses derniers examens qui ne présentent rien d’anormal et, à travers ces données médicales, Telma a deviné ses angoisses. Des inquiétudes habituelles chez les futures mères, mais exacerbées par les problèmes engendrés par la panne. Comment arriver à l’hôpital dans les temps ? Et si quelque chose se passait mal pendant l’accouchement ?

En l’absence de Hans, qui est en déplacement, Telma offre une oreille attentive à Cara. Ce rôle de confidente la replonge au cœur de son métier. Elle prend pleinement la mesure du manque qu’elle a vécu durant ces trente dernières années…

Deux coups discrets sur la porte la sortent de sa rêverie.

— Entrez ! invite Telma.

Hans Kolsky pénètre avec timidité dans la chambre. La sage-femme ignorait qu’il était revenu.

— Je ne vous dérange pas ?

— Non, je m’apprêtais à préparer le petit-déjeuner de Cara.

— Je m’en suis chargé. J’ai besoin de vous ailleurs.

Les mains dans le dos, Hans contemple les cartes postales que Telma a accrochées sur un pan de mur entier. Telma passe ses doigts sur certaines images abîmées d’avoir été tant regardées.

— C’est ce qui m’a permis de survivre durant ces années d’enfermement et m’a aidée à garder la foi en l’être humain. Une façon de me sentir chez moi, aussi. Mais si c’est un problème, je les enlève…

— Non, absolument pas.

Ces dernières nuits, Telma a eu tout le loisir de réfléchir à cette étrange situation qui l’a fait passer directement de la prison au confortable appartement de Kolsky. Il ne peut pas s’agir uniquement de la grossesse de Cara… Elle est bien décidée à comprendre ce qui se trame. Elle se dresse devant le politicien.

— J’ai des questions à vous poser, Hans.

— Et j’y répondrai, mais pas maintenant, nous sommes attendus.

Une fois de plus, Telma suit le jeune homme, résignée. Il la mène à son bureau, une pièce que Léon lui a interdit de nettoyer. Lorsqu’ils pénètrent dans la pièce, cinq femmes et deux hommes sont assis autour d’une grande table ovale.

— Bienvenue à cette réunion de campagne officieuse, Telma. Cette assemblée doit demeurer secrète et ce qui s’y dira ne sortira pas d’ici. Du moins, pas encore.

La sage-femme observe chacun des membres, ils la saluent du menton ou d’un geste de la main. Sauf le géant, en bout de table, qui se lève pour l’accueillir.

— Oscar ? hasarde-t-elle, reconnaissant soudain un infirmier présent lors de l’expédition qui lui a valu la prison.

L’homme paraît ému. Il lui tend les bras et Telma lui rend son accolade, tout aussi chamboulée.

— Bien, Telma, prenez un siège, je vous prie, dit Kolsky. Avant de commencer, laissez-moi vous confier la raison pour laquelle nous sommes tous présents, aujourd’hui. Notre objectif est limpide : nous voulons abattre les Murs et remettre l’humain au cœur de la société. Vous en êtes ?

Laureline Maumelat a commencé, depuis quelques années, à participer à des concours de nouvelles, notamment sur le site Short Édition, avant de se lancer plus récemment dans la rédaction de textes longs. Elle a publié en 2019 un roman sous le nom de plume Laureline Eliot : VertiG. Elle se plait à jongler avec différents genres, de la romance au contemporain, en passant par la fantasy.