Don ou malédiction ? (3/6)

Par justine Roux

Après plusieurs crises dans la journée, Paul est parti dans la nuit. Son petit corps était trop faible, la douleur trop grande.

Althéa pleure encore et encore. Elle a été son médecin référent pendant plus d'un mois, elle a attendu un donneur, en vain. Elle a vu la maladie le dévorer de l'intérieur, impuissante.

Faye la prend dans ses bras pour la calmer mais son amie est révoltée :

— À quoi ça sert ? Ce n'est pas un don c'est une malédiction.

— Tu ne peux pas dire ça. Ce n'est pas ta faute.

— Si ! Il avait huit ans Faye et je n'ai rien pu faire. J'ai senti toute sa souffrance et je n'ai rien pu faire. Je suis pédiatre et je n'ai pas pu le soigner. À quoi ça sert de connaître leur douleur si je ne peux rien y changer ? À quoi ça sert ?

Faye ne répond pas. Les mots sont inutiles. Althéa est secouée de sanglots. Elle s'était attachée à son jeune patient.

— Je sais que c'est difficile…

s Non tu ne comprends pas ! Tu ne sais pas ce que c'est que de pénétrer dans un corps comme je le fais, tu ne connais pas cette sensation de faiblesse, d'épuisement dans chacune de tes cellules. Plus jamais je n'utiliserai mon pouvoir. Plus jamais !

***

Cet événement tragique marque un tournant pour Althéa. À partir de ce jour, elle continue normalement son travail auprès de ses jeunes patients, mais elle ne les touche plus. Elle ne touche plus personne.

À l'hôpital, elle porte des gants et le reste du temps elle se met des pansements sur le bout des doigts. Elle réapprend également à consulter les électrocardiogrammes, les tensiomètres, les thermomètres et les dossiers de ses patients en détail pour poser ses diagnostics. Elle se comporte comme n'importe quel pédiatre et apprend à garder une certaine distance avec les enfants qu'elle a en charge. Pour la première fois depuis son adolescence, Althéa se sent normale.

***

Cela fait déjà trois mois qu'Althéa n'utilise plus son don. Il est près de minuit, et alors que la jeune femme somnole devant la télévision, son téléphone vibre.

— Allô ?

— Althéa je te dérange ?

— Non Maman. Bien sûr que non. Qu'est-ce qu'il se passe ?

— C'est ton frère… Il a eu un accident.

Althéa arrive à l'hôpital trois quarts d'heure plus tard et retrouve ses parents et Ludivine, une amie d'Ethan dans le hall des urgences. Ludivine explique alors plus en détail ce qu'il s'est passé. Alors qu'ils sortaient d'une soirée chez des amis, Ethan lui a proposé de la raccompagner. Ils sont tombés sur une bande de jeunes alcoolisés qui sont rapidement devenus agressifs. Ethan s'est interposé, le ton est monté et ils ont commencé à le frapper. Il a voulu se défendre mais ils étaient trop nombreux. Elle a essayé de l'aider, d'appeler les secours mais ils l'en ont empêchée. Ethan a fini par s'effondrer et sa tête a violemment heurté le trottoir. Les jeunes se sont enfuis en courant. Les secours, prévenus par des témoins, sont arrivés très vite mais Ethan était toujours inconscient quand ils sont arrivés à l'hôpital.

Il a été admis au service de réanimation neurochirurgicale. Althéa essaye d'avoir plus d'informations en usant de son statut mais sait qu'elle ne peut s'impliquer. Elle ne peut donc rien faire de plus qu'attendre avec ses parents et Ludivine, encore sous le choc. Après plusieurs heures d'attente, un médecin vient finalement à leur rencontre. Les constantes d'Ethan sont stables mais il est plongé dans le coma à la suite d'un traumatisme crânien : il est impossible, pour l'instant, de savoir quand il se réveillera, ou même s'il se réveillera.

Prochain épisode dans notre édition du 29 septembre