Plongée au cœur du cerveau (5/6)

Par Justine Roux

— Althéa c'est de la folie, on ne peut pas faire ça !

— C'est toi qui m'as dit que je devais essayer !

— Pourquoi tu ne demandes pas au chef de neurologie, tout simplement ?

— Pour qu'il me rie au nez ? Faye, un spécialiste ne va pas écouter une simple pédiatre qui prétend avoir un don. Tout se passera bien, je te le promets. J'ai tout prévu, mais j'ai besoin de toi.

Faye suit son amie dans les couloirs du service de réanimation neurochirurgicale. Elle peine à contrôler les battements de son cœur. Pourquoi faut-il qu'Althéa soit si convaincante ? Les deux jeunes femmes s'arrêtent devant le bureau des infirmières. Faye prend une grande inspiration et entre. Elle a juste le temps d'apercevoir Althéa lui faire un clin d'œil avant de refermer la porte.

Par chance, il n'y a qu'une seule infirmière, autrement dit qu'une seule personne à convaincre.

— Excusez-moi, je pourrais emprunter un de vos ordinateurs ? On a de gros problèmes de réseau au service hématologie et j'ai un besoin urgent de consulter le dossier d'un patient. Je sais bien que ce n'est pas vraiment conforme mais c'est tout à fait exceptionnel.

Le mensonge fonctionne plus facilement que Faye l'avait imaginé. Elle s'installe à un ordinateur, branche discrètement une clé USB et cherche le dossier d'Ethan qu'elle copie. Elle ressort au bout de quelques minutes du bureau et remet la précieuse clé à Althéa. Les deux amies rejoignent alors la chambre d'Ethan. Pour l'instant, tout se passe comme prévu.

— A priori, on a un peu plus d'une demi-heure avant le prochain tour des infirmières. J'espère que ce sera suffisant.

Althéa sort son ordinateur portable, ouvre le dossier de son frère et le tend à Faye.

— On lui a fait passer un scanner hier, tu peux retrouver les images et les interpréter

— Je vais faire de mon mieux.

— Très bien alors guide-moi !

Althéa pose le bout de ses doigts sur la jambe de son frère. Comme plus tôt dans la journée, elle s'enfonce dans le tronc cérébral d'Ethan. Elle parcourt de nouveau plusieurs axones, traverse plusieurs synapses.

— Althéa, je crois qu'il y a quelque chose au niveau du lobe frontal.

La voix lui parvient étouffée comme si on lui parlait à travers un important volume d'eau. Elle file rapidement entre les connexions neuronales jusqu'à atteindre l'avant du crâne. Elle ne sait pas vraiment pourquoi mais elle est sûre d'être au bon endroit.

— C'est étrange, dit Faye, on dirait que cette partie du cerveau est plus terne. Comme éteinte.

Althéa progresse maintenant plus lentement et observe avec attention ce qui l'entoure. Il fait encore plus sombre qu'avant. Les potentiels d'actions, nombreux et plutôt rapides ailleurs semblent ici fonctionner au ralenti. Althéa en suit un, le long d'un axone, jusqu'à ce qu'il s'éteigne sans prévenir. Elle ne comprend pas tout de suite ce qu'il vient de se passer, fixe l'endroit où le message électrique vient de disparaître et remarque alors que l'axone est comme sectionné. Elle décide de suivre un autre signal lumineux sur un autre neurone et de nouveau se retrouve subitement dans le vide.

— Tu vois quelque chose Althéa ? Je ne suis pas sûre de bien comprendre toutes les radios. C'est si sombre…

Althéa ne prête plus vraiment attention à la voix de son amie. Elle se concentre pour obtenir une vision plus globale. C'est comme si la moitié des connexions neuronales avaient été coupées net, comme des fils de téléphone sectionnés. La jeune femme est tellement préoccupée par ce qu'elle voit, qu'elle entend à peine Faye, inquiète, lui dire :

— Althéa ? Tu trembles.

Prochain (et dernier) épisode dans notre édition du 13 octobre